Chercheurs et artistes en collaborations dans l’enseignement supérieur

L’Université de Lyon, l’Ecole Normale Supérieure et la Biennale d’art contemporain ont lancé en 2019 un séminaire sur l’Art de chercher pour établir des ponts interdisciplinaires sur la recherche-création. Les éditions Hermann publient le livre dans la collection « Échanges littéraires » dirigée par l’un des deux responsables de cette publication Eric Dayre enseignant de littérature comparée et responsable du Centre d’études et de recherches comparées sur la création à l’ENS. Il partage cette responsabilité éditoriale avec David Gauthier responsable des affaires culturelles, chargé de la mission « images » dans le même établissement depuis 1999.

L’ouvrage interroge la part de création et de recherche dans les dynamiques et stratégies des formations actuelles dans un grand nombre de domaines : lettres, arts plastiques et vivants , sciences humaines et sciences exactes. Il s’ouvre sur la narration d’un prologue performatif établi avec la Biennale. Durant six mois un groupe composé d’artistes et de scientifiques travaillent en commun sur une situation qui fait l’objet d’une communication sous forme de performance à un public.

Une intervention rappelle l’antériorité dans le domaine de l’artiste chercheur sur le modèle établi dans les années 1960 avec l’art conceptuel et une figure emblématique comme Joseph Kossuth. Malheureusement cette liberté individuelle s’est trouvée formalisée dans le processus de Bologne qui constitue un rapprochement des systèmes d’études supérieures européens. Initié dès 1998 il aboutit à la création en 2010 de l’espace européen de l’enseignement supérieur concernant 48 États.Il a produit la hiérarchie des trois diplômes LMD (Licence,Master, Doctorat) validant les formations par un système de crédits transférables entre établissements pour faciliter la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs. Pour la recherche elle s’est cristallisée dans l’écriture des mémoires imposée aux écoles d’art qui ont du inventer un modèle différent de celui de l’université.

C’est pourquoi en 2005 l’ENS a entamé une collaboration avec l’ENSP d’Arles qui chaque année se conclut sur une exposition doublée d’une publication.Eric Dayre ouvre la partie concernant cet échange sur la crainte de Walter Benjamin de laisser exister des analphabètes de l’image, qui reste d’actualité à l’époque de la dématérialisation de l’image. Le dialogue s’établit ensuite entre Clara Fraisse étudiante lyonnaise et l’arlésien Jean Marquès avec la production de Pour-parlers le livre et ses fragments comme chambre d’écho d’expériences poétiques.

L’ENS a d’autre collaborations notamment avec l’Ecole Nationale d’Architecture de Saint Etienne avec qui ils produisent des objets refuges d’écriture, mais aussi avec le CNCD avec qui ils s’attachent à l’écriture lyrique de livrets. Toutes ces formations hybrides aboutissent à l’élaboration commune de nouveaux savoirs où chacun garde ses spécificités . La finalité de telles collaborations n’est jamais attendue, elles restent dans l’entre-deux pour trouver une reconnaissance mais sans normativité. Pour la méthode ils revendiquent la sérendipité, le pas de côté ou selon Slavoj Zizek l’application de la parataxe.

Parmi les autres témoignages il est intéressant de lire au sein des arts vivants celui de la chorégraphe Natacha Paquignon qui travaille avec des scientifiques pour créer in situ ses danses augmentées.

En fin d’ouvrage un épilogue performatif crée une Time line , cette frise chronologique qui prend corps dans l’espace s’intitule amender le nord du futur Elle est initiée par Fabien Pinaroli et David Wolle, artistes et théoriciens qui ont créé une performance collective avec des étudiants, en les incitant à une recherche pour une fois internet free.
Pour clore l’essai une seconde Time line uniquement textuelle collecte des événements du XIXe à nos jours avec autant de suppléments bibliographiques qui occupe plus de 80 pages. Une formule résume bien toutes ces expériences novatrices et pourrait leur servir de conclusion :
« Il y a de la pensée dans l’oeuvre et des trouvailles artistiques dans la recherche ».