Claire Morgan Les bascules de l’organique

La pratique d’installation de Claire Morgan est minutieuse, répétitive dans ses gestes jusqu’à la maniaquerie répartissant insectes et graines en suspension. Ses œuvres graphiques disent le beau comme la rencontre sur une table de dissection protégée d’une feuille de dessin d’un petit animal à fourrure, de ses prédateurs et des déchets sociétaux.

Elle impose les deux temps d’une lecture formelle liée à la sculpture et d’une découverte de l’ordre de la miniature. Deux distances plutôt que les galeriste de Karsten Greve ont formalisé au sol à l’aide de rubans blancs. L’interdiction de toucher est doublée ici de celle de souffler. Recommandation inutile quand le spectateur reste le plus souvent bouche bée et souffle coupé devant la force des installations. Œuvres baroques et fragiles s’il en est encore, mais là où Berlinde de Bruyckeere dramatise la monumentalité des chevaux empaillés Claire Morgan prend le parti des petites formes même si elles se liguent en pans, plans, concrétions et masses dans l’espace.

Ces petites formes suspendues se jouent de la transparence autant que les dessins travaillent les oppositions plastiques ; si l’exposition s’intitule « le sang de la vie » c’est que les déchets internes des dépouilles animales au moment de la taxidermie maculent les feuilles de papier. Au crayon et à l’aquarelle l’artiste (re)trace l’architecture fragile de l’œuvre en volume.

Je n’avais depuis longtemps ouvert et feuilleté le catalogue des dessins et aquarelles de Beuys, ceux de Claire Morgan les convoque soudain à ma mémoire. Mais très vite leur construction me ramène aux œuvres dans l’espace, à l’intelligence sensible de leur ombre projetée, à cette séduisante petite mort flottant à hauteur d’yeux.

Parce qu’elle met à jour nos liens à l’animale condition elle renouvelle le goût actuel pour de contemporaines Vanités telles que pratiquées par la chorégraphe Mathile Monnier ou l’artiste britannique Damien Hirst. Les précisions anatomiques entrent en bascule avec les dimensions
ambivalentes de nos liens à la nature, en une nouvelle écologie du regard.