En ce début janvier où souvent se terminent des programmations de l’année précédente, quelques expositions affirment en galerie des positionnements singuliers. Peintures, photographies, dessins remettent en question le seul empire du paraître. Des artistes de différentes générations y exercent au contraire une savante dialectique de l’apparaître et du disparaître.
Les Archives (1971-2016) du photographe de mode Jérôme Tisné accrochées à la galerie Pascal Gabert masquent et dévoilent paysages et corps féminins en usant des tissus, vêtements et des paramètres et matières photographiques.
Utilisant les mêmes ingrédients Floriane de Lassée à la galerie Particulière, les met au service d’une approche aussi convaincante dans son esthétique que dans ses buts contre-idéologiques. Née en 1977 et formée à l’International Center of Photography de New York elle avait publié un premier ouvrage Chez Nazrali Press où de vastes paysages urbains étaient animés par une seule présence humaine. Elle réactive une scénographie semblable dans le jeu des distances avec la série Modern Sati produite au Rajasthan en 2016. Elle s’était déjà préoccupée de la situation internationale des femmes dans divers pays en réalisant « How much can you carry » publié chez Filigranes.
La tradition indienne du Sati obligeait une veuve à suivre son mari dans la mort. Aujourd’hui officiellement abolie cette coutume s’est transformée, mais il n’empêche que suite à un viol, à un divorce ou à un veuvage les femmes n’ont d’autre solution que de disparaître physiquement ou socialement. Dans ses diptyques ou triptyques l’artiste opère avec des contrejours, des flous une mise en situation de ces présences évanescentes , la beauté féminine y prend une dimension dramatique d’une réelle prégnance.
La galerie Jean Luc et Takako Richard poursuit son parcours avec Hervé Heuzé qui y montre pour la première fois ses dessins. Sa technique opère par via di levare à partir d’un fond entièrement grisé dans lequel les ajouts crayonnés de figures opèrent une apparition. Si l’artiste revendique un intérêt questionnant les mutations génétiques, sa culture classique l’amène à traiter ces mixages entre humains et animaux sur leur versant des Mythologies. Des créatures ambivalentes y côtoient crânes et anges comme en épiphanie de grisaille.
La figure humaine n’est pas la seule à subir ce cycle de mise à jour ou de disparition. Chez Susanne Tarasieve Pierre Schwerzmann opère avec Hiatus des mélanges singuliers entre op art, cinétisme et abstraction. Chaque œuvre que son support soit de toile ou d’une matière transparente nous oblige à entrer dans la fascination de sa composition duelle, où ensemble de lignes et aplats colorés entrent en dialogue vibratoire.
Dans un geste rare dans le métier Edouard Escougnou-Cetraro propose les cimaises de sa galerie à son père peintre qui y présente sa série Titans. En relation à un certain nombre d’artistes de la galerie la continuité se fait dans le choix des supports. Si Gérard Escougnou manifeste avec une belle énergie son appartenance à l’abstraction lyrique, l’épaisseur de ses peintures est dûe à un rajout de matière transparente , dont il corrige parfois l’effet par un ponçage qui ramène des matités obligeant là aussi notre regard à accommoder pour voir réapparaître les différentes couches superposées.
Simon Faithful utilise vidéo et diaporama pour sa présentation chez Polaris dont le titre questionne : Does The World Exist ? – When I’m Not There ? C’est en 1995 qu’il réalise la première partie de son triptyque vidéo Going Nowhere. Il y scénarise ses disparitions dans des paysages de neige en 1995, sur fond de mer Adriatique en 2011 et à la verticale d’un îlot de sable envahi peu à peu par la montée des eaux. Un ensemble de diapos montre sa pérégrination le long du méridien 0 . L’ensemble de ses œuvres visuelles produit des images performatives aux limites du land art.