David Nash Bronze- écorce, l’enveloppe noire du cœur que l’on sait rouge.

Le titre de l’exposition est le manifeste de David Nash, cet artiste anglais qui vit et travaille dans le nord du Pays de Galles à Blaenau Ffestiniog, une ville productrice d’ardoise au cœur d’ une région boisée. Le bronze (Black) et le bois (Red) deviennent entre les mains de l’artiste la traduction de l’oxymore de ces paysages aux couleurs si particulières, d’ une symbiose et d’ un prolongement de cette contrée. David Nash aime à faire vibrer ces deux couleurs fondamentales, Black & Red comme une évidence, dans la présence de l’une à l’autre. Ces récentes sculptures en bois, et ses nouveaux dessins et pochoirs présentés à la galerie Lelong en témoignent.

Bien que le bois ait été son matériau de prédilection, l’artiste se consacre maintenant au bronze dans une fonderie du nord du Pays de Galles. Un travail que l’artiste définit comme « un travail du bois ». Rugosité du bronze, il ne semble pas coulé, mais imprégné du toucher de l’écorce, dont il prend la texture, alors que David Nash coule le bronze. Un bois calciné, non mais une enveloppe noire dans lequel vibre ce cœur que l’on sait rouge.

C’est un volume imposant pourtant fragile pour cette reine et ce roi King and Queen (2011) bronze en deux parties. Ils s’érigent comme les colonnes de Constantin Brancusi , en maître de cérémonie sur l’espace de la galerie. Ils semblent régner sur des sujets comme pour Tree Humps (2011) bronze en trois parties, avec pour seule ascendance la hauteur du volume. Le bronze, un matériau lourd est noble. Il devient ici l’écorce du vide de bois.

Le rougeoiement des fourneaux, l’or de cette matière noire quand elle est refroidie s’écoule dans les moules des sculptures dans un mouvement lent d’une fascinante densité. Le feu est alimenté par le bois, le bois rouge.
Les flammes crépitent au cœur de ces montagnes graciles érigées vers le ciel, on entendrait presque s’élever un chant, qu’accompagnent les Three Humps , positionnés dans la diagonale (2011), ces 3 « bosses », ou « mamelons » ainsi le suggère le titre sont comme des muqueuses noires de femme ou des anges en prière. A moins que le titre ne recèle un getting the hump. Légèrement au centre le cœur rouge de l’exposition, Rough Red Sphere (2008) en eucalyptus, cette sphère aux arêtes tranchées comme accidentées se prolonge sur les murs du premier espace, Crack and Warp Wall Column(2011) un mur, colonne de fêlures et de distorsions en eucalyptus.

La scénographie rend perceptible les résonances entre les différentes sculptures, rouges et noires. Le rouge brûle dans les entrailles du noir, qui s’en alimente, qui le magnifie et révèle ainsi l’alchimie du geste de l’artiste. Celui-ci participe lorsqu’il coule le bronze, à la naissance de l’or noir. Le rouge (le bois) est premier, le noir est transfiguré par ce rouge que l’on sait au cœur du phénomène de fusion. Le rouge et le noir fusionnent.
L’artiste David Nash est un alchimiste de la transmutation du bois en bronze, du rouge en noir. Il nous en révèle un des mystères, et le regard ne peut se détacher du rouge lorsqu’il regarde le noir, le noir quand il s’adonne à la contemplation du rouge.

Alors qu’il marche sur du parquet, comme lors d’une valse silencieuse, le spectateur ne peut que se déplacer que comme une pièce, un pion peut être sur l’ échiquier imaginaire de Nash , sur lequel les les volumes n’attendent que son geste pour s’animer selon la loi des échecs rouges, noires et mat.
A moins que le spectateur ne devienne un bref instant alors le maître de cérémonie, dans un recueillement que suggèrent les Three Humps, positionnés sur la diagonale du fou et qui mettent le couple royal impossibilité de se mouvoir, alors que comme le dit l’artiste : « Pyramids rise, Spheres turn and Cubes stand still » les triangles se lèvent, les sphères tournent et les cubes ne bougent pas David Nash , 2005.

« Pour s’épanouir , c’est-à-dire croître, la forme doit composer avec différents paramètres : la matière, l’espace et le mouvement (temps). Nash assigne à ces paramètres en quelques sortes invariants et ontologiques , une forme que l’on va retrouver dans les pièces sculptées mais aussi dans les œuvres graphiques : carré (cube) pour figurer la matière, triangle (pyramide) pour l’espace et cercle (sphère) pour le mouvement »p.5 in David Nash, catalogue de l’exposition, texte de Thierry Dufrêne

Ainsi le spectateur est face à un ensemble certes énigmatique, mais d’une beauté rare, à laquelle il participe, car n’est-il pas le « et » qui coordonne Black & Red : Bronze and Wood ?