Retour sur un livre photo-texte d’une vraie radicalité poétique « Frontières, limbes et milieux » d’Eric Bonnet paru en 2015 dans la collection Rétina Création d l’Harmattan.
Professeur des Universités à Paris 8 et artiste Eric Bonnet a co-digéré deux ouvrages qui mettent en perspective l’un « Frontières & oeuvres, corps et territoires » et l’autre « Frontières et artistes. espace public, mobilité et (post)colonialismes » chez le même éditeur. Avec ce livre il propose sa propre version épurée de ce lien au minéral, au végétal et à leurs territoires partagés sur la carte comme dans l’atelir du plasticien.
En ouverture une double page montre un extrait d’une carte ancienne (1910) du Mont Blanc que l’auteur revendique comme héritage grand paternel. Nous en retrouverons des fragments sur la couverture et dans le troisième chapitre consacré aux « Confins ». Ce goût d cela nature partagée dans la lignée familiale masculine conduit l’artiste dans une déambulation où il recueille les éléments naturels de base pour sa création.
Dans le premier chapitre « Ombres de pierre » ce sont en effet des prélèvements minéraux qu’il réagence en sculptures minimales pour les photographier. Ces paysages sans échelle sont complétés par un texte à forme poétiqu, bâti de peu de mots, qui installe son projet :
Tenir dans le silence
Une résistance au vide ».
Et plus loin il affine la méthode :
« Contre toute attente
Tu sauras épier les résonances
Et nommer les ressemblances. »
Avec pour enjeu le changement d’échelle de l’immensité du paysage aux focus sculptés il décrit ses pierres rassemblées :
« Noire
Chaire
Assombrie
Voisine
D’espoir ».
Sur son chemin et dans la poursuite de sa quête l’artiste ramène aussi des dépouilles végétales, aux ramures visibles, pétales ou cosses on ne sait. S’il les considère dans son intitulé comme des « Boucliers » le rapport au titre du livre suppose que cette seconde partie renvoie à l’idée de « Limbes ». Il semble difficile de se référer la définition initiale attachée à la religion le terme pris par extension de « lui indéfini » semble mieux s’adapter.
Pour la dernière partie, au terme générique de « Milieux » utilisé dans le titre on le trouve complété par celui de « Confins ». Les deux ont un fort coefficient topographique que confirment les fragments de carte géographique. Intégrés dans des éléments graphiques dont la couleur rappelle à la fois les les prélèvements naturels précédents et une location d l’élément terre, ils assument une destinée insulaire. Ces îlots de mémoire sont les figures les mieux incarnées de cette géo-poétque qui définit au plus près l’esthétique d’Eric Bonnet.