De récentes histoires de la photographie italienne

L’institut Culturel Italien à Paris accueille tout cet été une sélection de neuf jeunes créateurs italiens cinq hommes et quatre femmes, tous trentenaires, sélectionnés par Laura Serani. Cette nouvelle scène très active renouvelle les pratiques des générations précédentes souvent plus actives dans l’exploration documentaire de paysages sociaux . Dans le cadre parisien un peu solennel de l’Hôtel de Galliffet du 50 rue de Varenne leurs images font discordance pour parler d’un monde aujourd’hui en mutation.

Trois séries de tirages sont installées dans le jardin, à l’entrée le spectateur est accueilli par des portraits en couleurs de Federica Sasso de sa série Post Adolescence. Née en 1992 elle s’était fait remarquer par son livre Sick Sad Blue paru à La Fabrica en 2016 sur une jeune fille victime d’anorexie. Ici chacun des jeunes gens est cliché dans une réelle proximité, marque d’un vrai dialogue à ses modèles. Les deux autres ensembles dialoguent avec les éléments arborés : Michele Palazzi né en 1984 approche dans Finisterrae des paysages de Mongolie dans des images sombres et peu contrastées. Enrico di Nardo né la même année s’est consacré à la création des images après une longue formation scientifique. Sa capacité à rendre le monde plus étrange par des lumières saturées lui a permis de participer au livre hommage à David Lynch A place both wonderful and Strange, (FuegoBooks, 2017). Intitulée Levée des ombres du sol sa série joue sur des atmosphères étranges où le réel se transforme en signes.

Les premières salles intérieures sont dominées visuellement par la présence au mur de deux scènes de bataille de Luca Giordano, peintre napolitain du XVIIème siècle, Les responsables de l’institut ont installé en dessous des immenses toiles des cimaises en bois permettant un accrochage vertical et une étagère horizontale. Le dispositif ne permet que la présentation de tirages de petits formats, mais la commissaire de l’exposition a su en jouer avec habileté. On retrouve ainsi les jeunes italiens de Federica Sasso qui dialoguent avec les croupes de chevaux et les corps des combattants.

Deux travaux en noir et blanc explorent des situations d’un exotisme décalé. Karim El Maktafi né en 1992 produit avec Hayati des images réalisées au smartphone qui témoignent de scènes suspendues de sa vie et de celle de ses proches, les corps fragmentés par la proximité de l’appareil semblent flotter dans les espaces domestiques. Ilaria Crosta née en 1988 vit à Paris elle a créé Yet Magazine et est membre de Fetart qui organise le Festival Circulation(s). Ses Histoires de marabouts et de chasseurs du Mali à Paris produites lors d’une résidence à l’Institut constituent une approche de fiction documentaire de ces pratiques divinatoires et des objets qui permettent d’appliquer ces recettes anciennes.

Lui aussi en résidence à l’Institut Francesco Lévy né en 1990 et détenteur d’une bourse du Studio Marangoni, de Florence, explore les frontières entre réel et fiction à partir d’une utopie militaire datant de la première guerre mondiale La ville fantôme/Le faux Paris reprend cette idée d’une ville leurre avec des images peu contrastées qui gardent une présence mystérieuse. J’avais eu le plaisir d’exposer l’an dernier au Savignano Imaginni Festival pour On Being Now son ensemble Azimuths of Celestial Bodies qui constituait déjà une approche de cette période historique qui le fascine.

Trois artistes font l’objet d’une présentation plus scénographiée .Michela Palermo née en 1980 s’est d’abord consacrée à des études de sciences politiques avant de se former à l’image à l’International Center of Photography de New York. Sa production de livres d’artiste est ici réinstallée dans un rapport aussi formel que fictionnel pour The Untitled Box. Les tirages en low key de Giorgio Di Noto né en 1990 pour The iceberg ne sont lisibles que grâce à une lampe aux rayons ultraviolet.Ces images se veulent représentatives de toutes celles qui circulent sur les différentes formes du web.

On est heureux de retrouver ici les caissons lumineux d’Alessandra Calo, avec ses oeuvres récentes Les Inconnues (Hommage à Anna et Constance). L’an dernier sa série Kochan présentée à Circulation(s) avait gagné le prix Tribew du ivre numérique.L’artiste née en 1977 poursuit ses superpositions qui font fusionner mémoire et identité dans un jeu d’une grande sensibilité plastique.