Au travers de ses séries d’autoportraits, l’artiste japonaise Kimiko Yoshida incarne une mariée paradoxale et célibataire, et nous laisse entrevoir une suite d’identités, une multiplicité de réflexions liées aux identifications, à la transformation, à l’unicité et à l’universalité. La galerie Metropolis à l’occasion de l’exposition « Raison de mort », nous présente du 13 janvier au 3mars 2007, une série de photographie de l’artiste, à la lisière du monochrome, dans lesquelles « la mariée célibataire » se fait le symbole d’un effacement de l’être. Chaque photographie nous « invite » à un rituel d’effacement de soi. La « cérémonie de la disparition » de Kimiko Yoshida peut débuter.
Après avoir quitté le Japon, profondément marquée par la place qui y réservée aux femmes, Kimiko Yoshida s’installe en France dès 1995, où elle se concentre sur des séries d’autoportraits qui étudient les relations entre sa culture d’origine et les cultures auxquelles elle ne cesse de s’exposer. Elle se considère comme une réfugiée usant du masque, comme moyen de survie et médium pour s’intégrer aux différentes cultures, se forgeant de multiples identités à partir de celle qui transparaît et disparaît derrière les masques. Elle réalise, pour cela, des photos de « mariées célibataires » où se défait mais à l’envers, la hantise de la petite fille horrifiée qui découvrit la servitude ancestrale du mariage arrangé et le destin humilié des femmes japonaises.
« Comment
oublier cette confidence de ma mère quand j’avais 8 ans et qui me fit tellement horreur ? Je découvris soudain que mes parents s’étaient vus pour la première fois le jour du mariage qui avait été intégralement arrangé par leurs familles respectives. »
( Kimiko Yoshida,
Marry Me
, Actes-Sud, 2003)
Ses photographies laissent apparaître ou disparaître son visage, déguisé et maquillé. Ses travestissements se nourrissent de souvenirs, de légendes, de rêves, de fantasmes… Sa quête d’hybridation des cultures et de transformation de l’être la conduit à des métamorphoses multiples, dans des univers inventés, propices à une déconstruction personnelle systématique. «
Tout le monde cherche à être unique »
dit-elle
, « moi je veux être plurielle, devenir universelle. »
Kimiko Yoshida nous explique que
« l’identité est un fantasme, une projection imaginaire, elle n’est qu’un feuilletage d’emprunts identificatoires successifs. (…)Mon art ne porte pas sur l’identité, mais sur l’identification. La question qui se pose alors, n’est pas : « Qui suis-je « » mais plutôt : « Combien suis-je » »
On le sait, Kimiko Yoshida ne réalise que
des autoportraits, et pourtant, on peut être surpris de voir à quel point ils ne se ressemblent pas. L’autre particularité est que ces visages tendent à disparaître dans la couleur monochrome du fond. Nous sommes alors tentés de s’interroger : mais qui est au fond, réellement, cette jeune femme « Qu’est ce que cherche à montrer l’orientation monochrome de ses autoportraits » Pourquoi se cache t-elle derrière son propre masque « Mais d’où vient-elle vraiment » Du Japon évidemment, mais aussi de Chine, de Perse, du Cameroun, d’Egypte, du Yémen, du Kenya, etc. « Derrière ce visage, d’autres visages ». Apparaît alors une femme, puis une femme, puis une autre…Nous voici tour à tour, devant une déesse noire, une guerrière amazone, une prêtresse aztèque… Le rituel d’effacement de soi est alors enclenché. L’infini des visages de Kimiko se fond dans l’infini de la couleur.
En utilisant la monochromie, la figure singulière « l’autoportrait » s’évanouit pour donner voix à un universel. Dans la profondeur de la couleur, la possibilité de l’apparition et de la révélation se substitue à la disparition et à l’effacement.
« Cette recherche de la monochromie est une réflexion sur les instants successifs de l’identité. (…) C’est une recherche sur l’effacement de moi-même dans le ressurgissement de l’image du moi. »
En réalité, ce qui constitue « le moi » n’est autre que des identifications multiples et imaginaires. L’imaginaire crée l’humain. Et Kimiko veut nous montrer au travers de ses images, que ce qui l’intéresse, c’est tout, sauf le narcissisme, c’est tout sauf son histoire. C’est avant toute chose prétendre à l’universalité.
Au final, en affirmant le droit absolu à disparaître dans l’effacement et la métamorphose de soi, au travers d’identités successives et simultanées, Kimiko Yoshida élève avant tout l’art à l’expérience de la transformation :
« La transformation m’apparaît comme la valeur ultime de l’art »
. L’art devient alors un espace de retournement, de libre résonnance, de métamorphose. Ses autoportraits sont seulement, selon elle