Pour l’artiste plasticienne Élisabeth Leverrier, les espaces « vides » en apparence sont toujours plein de présence humaine. Il suffit de se connecter aux énergies pour retrouver la mémoire du lieu.
La Mémoire collective
Suite à la fermeture du site sidérurgique d’Unimétal Normandie (SMN) en 1993, le cycle infernal de son et de lumière de l’usine s’est brusquement arrêté. Élisabeth Leverrier réalise une vidéo « SMN Portes ouvertes » à la fois témoignage et documentaire, « avant que le silence douloureux du non-dit ne se transforme en amnésie générale ».
Par ses performances, l’artiste, nous dit Jeanne Verdun dans l’ouvrage A fresco, cherche à « capter les ondes d’énergie qui se dégagent de certains lieux pour les transférer sur la surface qui se couvre de traces, de lignes, de signes. Le geste fait renaître quelque chose qui a disparu ».
Élisabeth Leverrier dessine à l’aide de bois-brulés. Sa technique « A fresco » est une technique particulière de la peinture murale dont la réalisation s’opère sur un enduit avant qu’il ne soit sec.
E. Leverrier : « Le dessin est comme une mémoire graphique du lieu, une restitution de sa sonorité. »
Le choix de l’éphémère ?
Que reste-t-il du processus artistique ? Ce qui n’est pas sans rappeler le choix de la Biennale de Paris de traiter le sujet dans l’un de ses colloques « Ces gens confondent sans doute processus et vide »
L’artiste s’intéresse à la construction des images mentales. Ses dessins sont le fruit de contraintes verbales pour atteindre les cimaises et se déplacer. Les lignes témoignent de la tension du corps.
E. Leverrier : « Ce brusque arrêt de l’acte de peindre va provoquer l’émergence des souvenirs, tel un flot de paroles ininterrompu, un bouillonnement sonore. Comment rendre visible cette sonorité ? »
Le résultat final est épuré : marques noires sur fond blanc. Le feu allumé par Élisabeth Leverrier est éteint. Jeanne Verdun écrit « Art abstrait donc, mais qui ne fait pas abstraction de l’espace qui l’a fait naître ; du geste qui l’a fait naître. »
Art & Contemplation
Face à la surenchère d’images et à l’hyperactivité que propose les médias : l’art permet-il de faire une pause ? De faire le vide ?
Les lignes d’Élisabeth Leverrier invitent à la contemplation. Sa volonté est d’arriver à un état de conscience « où le monde est entier, où se déploie une énergie tranquille et fabuleuse. Là. Arriver au rien et réceptionner le monde ».