La dimension critique du réseau

Revue d’art depuis 2006

Entretien avec Grégory Olympio, peintre

Face à la saturation des images qui nous entourent et que l’on consomme, Gregory Olympio peint et visiblement il aime les visages. Coquetterie dans l’oeil, chevelures hirsutes et bigarrées, carnations aux nuances chatoyantes et infinies, les peintures de Gregory Olympio, révèlent une kyrielle de têtes singulières. Il y a aussi des drapeaux,des paysages, des corps en mouvement qui pourraient appartenir à un seul homme pris sur le vif. C’est figuratif et pourtant presque abstrait, au centre demeure la couleur, son rayonnement, son énigme.

Florence Andoka Votre travail s’est orienté brusquement vers la peinture au sortir de l’école d’art. Comment s’est enclenché ce processus ? Le changement est-il un élément important de votre création ?

Grégory Olympio Bonjour Florence, oui en sortant de l’école ma production a un peu changé de forme, elle est devenue plus figurative par moments mais mon fonctionnement, lui, n’a pas vraiment changé. Mon travail est principalement un processus. Ce qui m’intéresse c’est faire et aussi me demander pourquoi on fait.
J’aime rester attentif aux choses qui m’interpellent et rebondir. Ce qui est important c’est sansdoute la découverte, la rencontre ou une sorte d’émerveillement

FA Comment avez-vous découvert l’oeuvre de Marlène Dumas qui a marqué votre peinture ?

GO C’est vrai que c’est un peu la faute de Marlène si je me suis mi à faire des choses plus figuratives, mais c’est aussi l’influence de la peinture populaire, notamment les peintures que l’on peut voir devant les salons de coiffures dans beaucoup de pays africains. Mais c’est vrai que l’oeuvre de Marlène Dumas a quelque chose de simple et puissant qui m’a tout de suite parlé et bousculé. J’ai découvert son travail par hasard dans une librairie au rayon beaux
arts.

FA Vous peignez beaucoup à partir de photographies glanées sur Internet, sans que votre peinture ne vise l’hyperréalisme. Comment s’opère la réappropriation des images ?

GO Il y a en chacun de nous quelque chose de très personnel et en même temps quelque chose d’universel. Cette idée est très présente dans mon esprit et je l’espère dans mon travail.Sur internet certaines images ont un coté impersonnel. Avoir si facilement accès à l’image d’une personne inconnue m’intrigue. Ce que je vois dans ces photos de gens que je ne connais
pas ce sont leurs positions, la couleur des vêtements, les sourires etc.
Avec un smartphone et Instagram il est possible de consommer énormément d’images en une journée et on peut tirer de toutes ces photos, à la fois de belles singularités et aussi des choses qui sont presque de l’ordre de l’archétype. C’est vrai que ma peinture ne cherche pas à être
hyperréaliste, en fait je suis un grand amateur de l’art brut, de l’art populaire et de la peinture amateur. Je crois que ce qui me plait dans tout ça, c’est de voir la diversité des associations de formes et de couleurs.

FA Face à la saturation des images, on a le sentiment que vous soulignez la simultanéité des existences, mais aussi leurs disparités, malgré la globalisation ?

GO En consommant beaucoup d’images on se rend vite compte qu’il y’a des codes, des modes, des choses qui reviennent, parfois la même photo re-partagée etc. En bref dans cette course égocentrique aux followers, chacun tente de s’affirmer en reprenant les clés de ce qui marche pour les autres. Alors nous sommes tous un peu pareil en essayant d’être tous un peu unique.Moi j’aime les différences, les anomalies, les choses qui font ce que nous sommes en temps qu’être vivant dans la vraie vie. C’est sans doute la globalisation qui à accentuée mon intérêt pour l’identité.

FA Vous réalisez beaucoup de portraits, où la stylisation des éléments du visage ne cède rien à la singularité de chaque figure. Il y a la diversité des carnations, des regards, des chevelures, descouleurs. A ce titre, le travail en série est-il important ?

GO La série à beaucoup à voir avec la notion de processus. Comme je le disais, je suis dans l’acte, ce que j’appelle le faire. Avant, ce que je faisais consistait souvent en des gestes, des actions uniques qui résultaient d’une expérience, d’une discussion ou d’une rencontre. Ce seul geste devait donc être très chargé et contenir presque tout le résultat de l’expérience. Un jour j’ai découvert dans la série une sorte de moyen de reproduction du geste mais pas exactement
à l’identique. Cela me permets de traiter les multiplicités d’un sujet. J’ai peut être compris naturellement qu’il y a toujours plusieurs réponses.Je pense à une de mes série qui est composée de portraits. Les supports de peinture ne sont
pas tous exactement de la même taille, certains personnages ont une anomalie dans l’oeil…mais quand on observe l’ensemble cela reste cohérent. On peut certes voir ce qui est propre à chacun mais sans avoir envie d’en exclure un du groupe. En cela la série me permet de mettre en avant la diversité.

FA Souvent la résonance entre les couleurs est indépendante de toute narration. Qu’en est-il de l’abstraction dans votre travail ?

GO Avant de faire des portraits je réalisais des formes colorées abstraites aux feutres ou à la peinture sur des petits formats. C’était très géométrique et cela pouvait sembler très simple mais j’ai appris beaucoup sur la couleur, la transparence, les contrastes entre couleurs chaudes et froides etc.Pour moi travailler avec les couleurs est passionnant et aujourd’hui je m’amuse encore tous les jours à chercher de nouvelles associations. Parfois c’est aussi très frustrant lorsque l’on a l’impression qu’aucune couleur ne veut fonctionner avec ce que l’on est en train de peindre.