Kamila Regent avec son compagnon Pierre Jaccaud s’est attachée à faire d’une maison à Saignon, petit village perché dans le Vaucluse, un lieu de résidence d’artistes, de commissaires d’expositions et d’écrivains depuis 1993. La galerie est devenue un cabinet de curiosités où se logent des œuvres d’artistes, certains venus en résidence, en immersion dans ce lieu chargé d’une mémoire contemporaine. Les œuvres qui l’habitent ajoutent à cette demeure une part de mystère. Au fil des années, cette galerie accueille sculptures, peintures, œuvres sur papier, installations in situ, certaines insérées subtilement dans le mobilier. En situation, elles surgissent telles des présences qui nous invitent à passer du temps et découvrir chaque salle, ayant toutes une atmosphère chaleureuse baignée par la lumière du sud.
Jusqu’au jardin où Bettie Bui a installé des sculptures nénuphars, cette maison est un petit bijou pour ceux qui apprécient la délicatesse des œuvres réalisées en des matériaux appelant au toucher… Certaines font également écho aux savoir-faire, à la nature, et s’immiscent dans le mobilier ou directement aux murs racontant une nouvelle histoire.
Cet été, Julia Pallone présente une série de dessins, des collages plus récents et une sculpture. La maison a toujours fait partie de son travail artistique. Pour l’artiste, il s’agit du lieu où nous passons notre vie, où parfois un sentiment d’angoisse peut surgir. Elle se laisse happer par la part de magie, qui peut naître en prêtant attention aux moments du quotidien. Ses maisons font surgir nos désirs d’enfants et notre envie d’être présents au monde. Elles renvoient à nos déplacements, aux nombreux chez soi que nous nous construisons au fil des années. Ses œuvres sur papier de la série Inconstant house font également référence à la cabane, lieu entre intérieur et extérieur, territoire à soi, pour jouer, se cacher ou s’inventer des histoires. Ses dessins répondent à nos désirs de nous créer des univers poétiques. Une certaine étrangeté en émane également. Ces maisons paraissent s’envoler… Personnifiées, elles prennent vie et se transforment en animal, en champignon ou en végétal.
Ses œuvres naissent de ses observations des maisons dans les paysages, dans différents pays. Julia Pallone s’intéresse alors à la philosophie de l’habiter et aux diverses manières de se créer des espaces où se sentir à l’aise à l’intérieur. Sa sculpture, une maison qui cherche racine à partir de laquelle sortent des branches, réalisée en bronze et plaqué or, grâce à l’implication et collaboration de la galeriste. Elle nous incite à songer à ces lieux de protection pour laisser libre court à notre imagination. Elle réalise cette œuvre à la suite d’une résidence à la galerie Kamila Régent en 2009 puis en 2012, année durant laquelle elle crée un premier prototype. Celle-ci émerge de son intérêt pour le nomadisme, sa curiosité à découvrir d’autres territoires et s’y poser. Cette maison semble chercher ses racines… Cette œuvre rappelle les différents déplacements de l’artiste d’origine italienne, désormais vivant en Irlande. Suspendue, cette sculpture nommée La maison enracinée à la fois flottante, en lévitation tente de trouver où s’ancrer.
Ainsi, ses dessins, ses collages et sa sculpture révèlent des états intermédiaires d’une maison, à la fois là où l’on fait son nid et où on laisse des souvenirs… comme un habitat qu’on porte avec soi et où la nature semble régner.