Florence Chevallier. D’angéliques plaisirs baroques

Florence Chevallier s’est fait connaître entre 1985 et 1992 comme l’une des créatrices du trio Noir Limite, avec Jean Claude Bélégou et Yves Trémorin. Les trois artistes ont ensuite poursuivi leur aventure en solitaire. Depuis cette période son travail s’est manifesté par une grande alchimie de lumières et de couleurs, qui scénographient des corps.

L’artiste a d’abord pu illustrer la force des mythologies personnelles avec sa série sur Le bonheur. Si elle s’est consacrée à ces mises en scène domestiques on peut penser que ses études théâtrales n’y sont pas pour rien. Comme une antithèse la part sombre des rapports humains est ensuite exploitée dans le partage du Commun des mortels. Mais ce sont de nouveau l’exaltation des bonheurs simples et des joies partagées qui deviennent les sources des Enchantements. En pleines lumières les couleurs vives magnifient les corps toujours en résonance avec les décors du quotidien. Dans l’introduction à son exposition au 19 hors les murs à Belfort Philippe Cyroulnik abordait ainsi cette lente élaboration :
« Elle revendique tout autant le fait qu’une image est aussi une construction ; un éclairage singulier qui recompose avec le réel, avec ses lumières et ses ombres, avec le monde végétal, animal et humain des situations qui condensent de la durée et de la pensée. »

Sa quête de l’humain dans sa plénitude s’est poursuivie par différents voyages. Elle les a inauguré avec le retour au Maroc où elle est née, elle y crée en 2000 1955, Casablanca.Cette itinérance s’est poursuivie avec les deux séries Toucher terre (Nord et Sud). Ces titres nous rappellent l’importance du tactile, de l’haptique dans sa pratique de l’image. La série Les plaisirs (2018) manifeste cette sensualité spécifique. Elle constitue la version numérique d’un premier ensemble argentique La chambre invisible datant de 2005. Cette chambre secrète est celle qui au théâtre correspond aux coulisses, au vestiaire ou plutôt au placard à costumes. Si l’on en cherche la logique on peut l’appréhender dans une relation à la tradition que Philippe Cyroulnik évoquait en ces termes
« Il y a dans son œuvre un constant dialogue avec le réel et l’histoire de sa représentation tant photographique que picturale. » Dans les deux séries la référence au baroque le plus sensuel est explicite.

Au sous sol du POCTB un second ensemble d’images a pour sujet la petite fille de l’artiste. En témoigne le titre de l’une d’entre elle Dommage ses parents viennent la chercher demain. La référence picturale est ici notifiée par le titre plus générique Ange. Le cadrage d’un portrait nu de la petite au regard étrangement prégnant en fait une descendante directe des putti italiens. Le fond noir et la lumière très contrastée renvoient à une esthétique caravagesque, alors que le visage si sérieux de la très jeune fille lui confère un caractère contemporain.