Françoise Pétrovitch est revenue vers la peinture. Délaissée au profit du dessin et de la cé- ramique, la peinture s’est à nouveau imposée à elle pour donner une nouvelle dynamique à sa ré- flexion. À l’éphémérité de l’encre sur papier, elle revient aujourd’hui vers une stabilité de l’huile sur toile. Un choix technique d’abord lié à un plaisir du traitement de la matière, de la couleur et de la forme.
L’artiste savoure la sensation de perdition, le sentiment d’une totale remise en ques- tion du dessin et de l’éloignement du sujet. Depuis trois ans, elle développe trois registres, les Nocturnes, les Colorées et les Gants, qui lui permettent d’explorer différentes lumières, tonalités et gestuelles. Les Colorées affirment une présence, les figures nous regardent. Les Nocturnes sont muettes, les êtres nous tournent le dos, leurs yeux sont clos ou bien dirigés vers le sol. Au rayonnement et à l’ouverture recherchés dans ses peintures aux accents plus acidulés, l’artiste favorise l’intériorité, l’énigme et le caractère insaisissable de ces corps recentrés sur eux-mêmes.
Les Gants tendent vers l’abstraction, le sujet disparaît silencieusement. Les cadrages enserrés sur les mains tenant des paires de gants conduisent vers une perte des repères, du dessin. Une attention particulière est donnée aux gestes et aux enjeux de la peinture. Le fond et le sujet s’entremêlent doucement, ils se font paysages. Réel et irréel se tutoient. Les œuvres génèrent une ambiguïté, un trouble. Les grilles de lectures oscillent entre bienveillance et cruauté, politesse et transgres- sion, naïveté et souffrance, lumière et obscurité.
Les figures ne sont pas bavardes, ici la narration est à peine amorcée, rien de plus. La solitude, la violence, le doute ne sont pas immédiats, les apparences sont trompeuses. Des indices chromatiques et symboliques nous amènent vers des territoires complexes et souvent emprunts d’un malaise. Des mains raidies, des larmes aux yeux, un regard fuyant, une tête penchée. Un malaise est installé.
Les figures semblent livrées à elles- mêmes, elles sont comme suspendues dans un espace flottant, indéfini. Elles s’accrochent à des objets ou à des petits animaux mi-morts, mi-vivants. Une fillette serre le cou d’un corbeau, une autre s’agrippe à un faon sanguinolent, un garçon nous présente un poussin irradiant, des mains nous présentent un oiseau mort. L’enfance est un prétexte pour nous parler des failles humaines que Françoise Pétrovitch sonde sans relâche non pas pour y apporter des réponses, mais plutôt pour leur donner une chair, une réalité (é)mouvante.