Galeristes Un exceptionnel salon à taille humaine

Galeristes pour sa deuxième édition ne se veut pas foire mais salon nouvelle génération. Stéphane Corréard le directeur artistique, refusant le gigantisme des foires existantes, n’a invité au Carreau du Temple qu’une trentaine de galeries dans une scénographie des stands, aérée, qui permet un rapport privilégié aux œuvres.

Stéphane Corréard a occupé de nombreuses fonctions dans l’art contemporain, galeriste puis directeur artistique du Salon de Montrouge, mais c’est en tant que collectionneur qu’il appréhende avant tout son action. Ses interventions critiques sont publiées dans Beaux Arts Magazine, Next ou Particules et il intervient dans La dispute sur France Cuture. Pour mettre en place dès l’an dernier ce salon qui a connu une première édition très appréciée il s’est adjoint les services de Dahlia Sicsic avec qui il a collaboré à Montrouge.

Organisé sur 4 jours il a hiérarchisé les ouvertures, pour que chaque visiteur ait un rapport privilégié avec les galeristes, premier jour pour les collectionneurs, le second pour les professionnels et les deux restant pour le grand public. De même pour encourager de nouvelles vocations chaque exposant avait choisi une ou plusieurs œuvres à moins de mille euros, dans un espace central.

Un système d’étagères métalliques conçu par l’architecte Dominique Perrault permet à chaque galerie de créer des sortes de cabinets de curiosités, où sont installés des sculptures légères, des photographies ou des gravures ainsi que des catalogues d’artistes. Chaque stand comporte aussi une réserve avec quelques œuvres complémentaires. Certains ont choisi une présentation à plat comme la galerie Claire Gastaud pour une très belle sérigraphie de Robert Longo , l’ensemble plus proche de l’atelier ou de la réserve que du white cube. Les stands ne sont pas fermés, mais se font face instaurant un autre dialogue.

Dans les espaces intermédiaires entre chaque stand des sculptures rythment les déplacements. Plusieurs d’entre elles jouent sur une dispersion de la matière, proche de la dentelle pour Kim Kolotoma Lune ou sur une interrogation du quotidien comme ce squelette de voiture de Charles Sanchez(Galerie A vendre, Nice). On retrouve ici avec plaisir chez Catherine Putman d’autres sculptures d’une artiste trop rare en France, la suissesse Carmen Perrin d’origine bolivienne. L’invitée d’honneur Dorothée Selz, spécialiste du Eat Art offrait ses sculptures comestibles colorées de grande taille.

La galerie Eric Mouchet instaurait un dialogue cosmique entre les tigres du suisse et les pièces uniques deLouis-Cyprien Rials, des scans de pétrographie.
Le studiolo de la Galerie de France instaurait un riche dialogue entre un ensemble très cohérent de pièces de William Burroughs et de son complice Brion Gysin et un dessin inédit de Keith Haring dédié à ce dernier.

La galerie Da End montrait autour des photos abstraites de son fondateur
Satoshi Saïkusa des tirages de ses compatriotes Satoki Nagata et de l’immense Daido Moriyama.

Parmi les révélations la galerie Analix Forever, que nous connaissons bien pour ses co-réalisations avec Magda Danysz ou Vannessa Quang, incluait sur un stand très dynamique, une vidéo danse d’Ali Kazma à côté des tirages couleurs de Dana Hoey, à découvrir aussi à travers son livre The Fantom Sex, l’inquiétante étrangeté au féminin singulier.

La galerie Sator réunissait des artistes interrogeant la frontière. Les détournements cartographiques de Raphaël Denis faisaient écho à la vidéo de Hayoun Kwon Pan Mun Jom qui simulait avec une caméra thermique les échanges d’un site millénaire à chavel sur les deux Corée. Autre révélation d ce salon les dessins réalisés à la mine de plomb et poudre de graphite par Eric Manigaud rendent visibles des images de presse pour la plupart oubliées ou censurées comme les gros plans de gueules cassées de la première guerre ou cette vue de reportage du massacre des algériens dans la manifestation parisienne d’octobre 1961.

D’autres œuvres à caractère politique ou idéologique étaient présentes avec la parution du livre Erro Mao aux éditions Cercle d’Art et à la galerie Loevenbruck, les spectaculaires interventions provocatrices d’Arnaud Labelle-Rojoux, série de dessins dont cette vue pittoresque de Venise légendée : « Décor pour magazine porno allemand ».

Stéphane Corréard revendique des galeristes qui sont « de véritables passeurs et des conseillers, des gens qui aiment partager leur amour de l’art, qui entretiennent une relation très passionnelle avec leurs artistes. »
Grâce à une sélection rigoureuse, à une scénographie alliant intelligence de l’espace et convivialité le pari est réussi .