Que faire après Picasso, après Duchamp ? Garouste, qui s’est obstiné, nous explique-t-il dans son livre « l’intranquille » à demeurer peintre dans un monde où la révolution de l’art était terminée, présente à la Villa Médicis à Rome un parcours qui lui est propre, à savoir ses démêlés à la fois avec son histoire personnelle et celle des grandes et petites mythologies de l’histoire de l’humanité : la mythologie égyptienne et plus particulièrement le mtyhe d’Osiris.
Ce mythe tel que nous l’a rapporté Plutarque raconte comment Osiris fut démantelé, coupé en morceaux par son frère Seth jaloux de son succès, ce corps disloqué fut disperszé dans toute l’Egypte. Alors patiemment et après maintes péripéties, Isis, l’épouse-sœur d’Osiris parcourut la terre égyptienne pour en rassembler les quatorze morceaux afin de la reconstituer.
Seule une part resta manquante, le sexe, jeté dans le Nil il avgait été dévoré par un poisson. Osiris deviendra le dieu mort qui va renaitre avec quelque chose de plus, une âme qui le rendra immortel. Ce thème d’une création par le démembrement du corps d’un dieu est constant dans beaucoup de mythologies, mais on le retrouve aussi dans Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Avant d’entrer dans le petit jardin qu’elle convoite, le corps d’Alice ne cesse de grandir, de rapetisser, comme si elle cherchait un ajustement de son corps à son désir. A toutes ces transformations corporelles correspondent des rencontrres avec des personnages et des mondes surréalistes aux logiques différentes avec lesquelles elle entre en conflit. Et bien sûr , à chaque transformation de son corps , donc de son monde, Alice connaîtra la peur. Cette dislocation du schème corporel n’a rien de pathologique même si elle peut évoquer pour certains un des symptômes que l’on peut retrouver dans la schizophrénie. C’est aussi ce qui survint aux premiers cosmonautes lors des vols spatiaux inauguraux, quand ils racontèrent qu’ils avaient l’impression que leur corps changeait de place, que leur tête et leurs mains se détachaient du tronc…
C’est aussi ce que l’on peut ressentir quand on donne la parole au corps en dehors de tout contrôle de la tête comme dans la « Décentration » mise au point par André Virel dans le cadre de l’Onirothérapie d’Intégration où il s’agit de somatiser les conflits intra-psychiques. Les corps que Garouste peint et qui peuvent apparaître comme dérangeants, expriment par leurs déformations, – et même si le peintre dit consciemment qu’il fait des mains ou des pieds plus grands parce qu’il veut en souligner l’importance-, cet étatque l’on peut ressentirquand, entre la veille et le sommeil, l’esprit perdant sa suprématie, la perception du corps se désintègre dans un corps imaginaire porteur de tout le surréalisme dont nous sommes capables.
En ce sens Garouste nous convie à nous regarder avec des yeux déconditionnés de nos a priori perceptifs, il agrandit notre vision de nous même en révélant ce qu’une vie de veille ou une conscience trop intellectualisée ne permet pas de laisser surgir. L’œuvre de Garouste se tient à la frontière entre la conscience de veille et§ la conscience onirique où règne l’intranquillité. A quand une exposition Garouste à Paris ? Il nous manque.