Une semaine avant la fin de l’exposition Photo-Chorégaphies où sa participation a été remarquée par tous nous apprenons le décès de notre amie Gabriela Morawetz. Sa santé ne lui pas permis de venir à la Collégiale Saint Pierre le Puellier voir son accrochage sinon sur les photos et vidéos qu’on lui a transmises.
Ma rencontre avec l’oeuvre de Gabriela Morawetz s’est faite dans la galerie Thessa Hérold à côté du Musée Picasso. Son univers corporel singulier m’a séduit. J’y ai découvert ses expositions monographiques « Ne faire qu’un » en 2011 et « Le corps et le souffle » en 2012. Dès cette année je l’ai invitée dans l’exposition collective « Danse Espace II » que j’organisais à l’Espace 1789 à Saint Ouen. En 2014 je renouvelais mon invitation pour « Danse Variations Images » à la Maison des Arts de Créteil en compagnie de Tristan Jeanne-Valès, Tina Merandon, , Frédéric Nauczyciel et Laurent Philippe.
Son oeuvre a connu une reconnaissance internationale avec des expositions en Chine, en Pologne, en Autriche aux Pays Bas et elle figure dans des collections au Vénézuela , en Israël, aux USA et en Pologne, mais aussi dans notre pays.
Elle a créé dies livres d artistes illustrant des poèmes de Michel Houellebecq, Alain Duault, Edouard Glissant,Jean-Clarence Lambert ; des titres comme « L hymne à la nuit » ou « le corps de l’identité absolue » sont révélateurs de la richesse de son univers imaginaire. Celui-ci s’est illustré grâce à différentes techniques, le dessin, la sculpture, l’installation et la photographie
Née en Pologne , elle est diplômée de l’Académie des Beaux Arts de Cracovie où elle a en effet étudié la gravure, la peinture et la sculpture. De 1975 à 1983, elle a résidé à Caracas au Venezuela. Depuis 1990 elle vit et travaille à Paris où elle se consacre à la photographie dans son rapport à la sculpture, à la performance et à la danse.
Pour échapper à son Egosphère , titre d’un de ses autres travaux, le danseur doit d’abord définir son Espace où trouver la possibilité de sa mise en mouvement , de sa création. L’artiste cerne ses modèles dans des plans rapprochés qu’elle reproduit au format portrait rectangulaire ou dans un cadre circulaire. Pris dans son mouvement centrifuge sa dynamique le situe comme acteur réagissant au coeur de L’oeil du temps.
Ce qui retient le corps dans sa liberté de mouvements c’est son poids, intervenant en plasticienne Gabriela Morawetz utilise divers matériaux et objets qui transforment le white cube du studio, lieu de création de toutes ses oeuvres, en Chambres d’apesanteur. Pour rappeler le rôle de l’attraction terrestre des pierres ornent le sol, disposées en cercle. En leur centre le corps de ses interprètes, toutes féminines, y est nu ou vêtu d’une simple tunique. La lutte qui s’y engage soumets la chair à des forces d’attirance et de répulsion, qui tiennent ce corps en suspens, dans une sorte d’acmé du mouvement. Dans l’espace clos de l’atelier ses interventions relèvent de protocoles scénographiques en charge de la matérialisation de la continuité des déplacements corporels .
L’ensemble de ses triptyques Les mots ont disparu opèrent au contraire comme des black box dont le dépoli serait remplacé par un miroir sans tain. Une longue séquence chorégraphique se développe dans une série de figures dansées, extrêmes, arabesque, déboulé, grand jeté, y sont montrés dans leur dynamique se détachant du fond noir.
L’installation Le monde loin du monde et la sculpture Ainsi à l’infini fonctionnent sur un système tournant dont le principe pourrait évoquer une de ces machines de pré-cinéma, zootrope ou praxinoscope. Le dispositif actualisé par le recours à des techniques différentes de reproduction voit le mouvement soit comme la résultante de celui du moteur qui anime la sculpture soit du déplacement des spectateurs autour de l’installation dont le regard pénètre jusque dans la transparence des voiles.
La sculpture du fait de la présence agressive des couteaux peut apparaitre comme un chorédrame, tandis que l’installation fondée sur des oppositions dynamiques entre les objets décoratifs et les corps, tous reproduits en négatif et positif , constituent les plans dans l’espace d’un film contemporain.
Gabriela Morawetz opère en scénographe puis en chorégraphe pour considérer « l’image comme protocole dansé ». Elle n’abandonne jamais ses préoccupations de sculpteur renforçant les tirages par des ajouts constituant ses cadres en bas reliefs avant de s’affranchir du mur pour gagner la troisième dimension qui anime ces corps sans mots mais porteurs d’un message vital.