« Ames soeurs » une extimité puissance deux

Elles sont deux soeurs, Sylvia et Estelle, chacune en couple avec un photographe, Christophe Gourin et Pascal Tarraire. Ensemble ils construisent un double portrait à partir des clichés de leurs intimités.Avec le regard extérieur écrit par une autre femme Dalie Chrifi Aloui , l’ensemble sensible constitue le livre « Ames soeurs » publié par les éditions Quelque part sur terre.

La réussite esthétique de ce projet choral vient du fait que chaque photographe exerce pleinement ses qualités techniques en noir et blanc comme en couleurs, jouant des différents types de plan, du plus intime au plus général, du plus net au service du grain d cela peau, au plus flou quia ssume atmosphères et qualités de présence.

Les deux opérateurs participent d’une même esthétique de la photographie directe relevant des mythologies personnelles.Le livre édité en format paysage avec une couverture rigide profite d’une habile mise en page où la dynamique des doubles pages est renforcée par le fait que chacune reprend aussi souvent des diptyques ou triptyques. Pour assurer la fluidité de la lecture chaque page n’est pas créditée, mais le travail de chacun est respecté par la reprise en fin d’ouvrage de vignettes donnant leurs noms respectifs.

Le texte manuscrit court en milieu de page comme le fil secret de cette relation sororale. Il hésite entre la recréation du dialogue entre les deux femmes et une adresse aux preneurs de vue . Il tient le pari d’une expression poétique au fil quotidien des sentiments mis en commun.

Chaque modèle accepte la tendresse du regard, le dévoilement des moments de plus grande intimité, jusqu’à la mise à nue, dans l’exaltation complice de l’instant pas forcément décisif mais complice.

La force du double s’exerce aussi bien dans les poses où les deux soeurs partagent le même cadre quotidien que dans les quelques autoportraits de couple.

On connaît le néologisme avancé par le psychanalyste Serge Tisseron et hérité des pratiques d’images qui préfère parler d’extimité quand une intimité se trouve exposée, ici la double exposition exalte et ressemblances et singularités et met paradoxalement une exergue la proximité emphatique des deux regards photographiques.