Andrea Eichenberger est photographe et anthropologue, née au Brésil, elle réside en France mais a mené plusieurs séries sur son pays. Dans sa ville natale Florianopolis, au sud du pays, elle a produit deux séries, Le Parc qui illustre les combats de ses habitants pour la création d’un parc public et précédemment elle a réalisé les photos d’(in)Sécurité qui font l’objet d’une petite publication par les éditions malouines Strandflat, en collaboration avec l’anthropologue Marta Magda Antunes Machado née dans la même cité.
in(sécurité) par Andrea Eichenberger
Strandflat Editions
2, rue des bas-sablons
35400 Saint Malo
ISBN 979-10-96141-27-2
Alors que la ville de sa naissance était sûre et calme, quand la photographe y retourne entre 2011 et 2013 avec son amie anthropologue, la situation s’est aggravée. Elles mènent donc un dialogue avec les habitants sur les dispositifs de sécurité de plus en plus nombreux en réponse à ces menaces.
Les murs de plus en plus hauts deviennent des murailles. Des barbelés utilisés dans l’armée ornent leurs sommets. Les différents types de grilles sont aussi de plus en plus présents. Une variante en est la clôture électrique. Les molosses et chiens de garde veillent. Les déplacements se font « vitres de la voiture fermées et portières verrouillées ». Le tout se concrétise dans les copropriétés fermées et sécurisées. La force concentrationnaire de ces dispositifs et de ces espaces urbains et des humains qui les habitent est renforcée par la construction des images au sein du format carré.
Tous les personnages interrogés sont identifiés par leur seul prénom, ce qui procure un sentiment d’intimité avec la peur pour dénominateur commun. Leurs témoignages exprimés simplement sont convergents. Un court entretien avec Gabriel un policier de la ville pose la question de la sécurité face aux autorités de la communauté urbaine , il rappelle notamment que le nombre de policiers, civils et militaires est resté constant quand la population a triplé.
Ce livre bien que publié après sa série Petite encyclopédie sociopolitique illustrée du Brésil contemporain en apparait comme le chapitre préliminaire. Cette série de photographies d’éléments forts d’une connotation politique à un moment politique donné : elle regroupe des symboles, des attitudes, des gestes ou de simples objets de la vie quotidienne. Remarquable exemple de fiction documentaire au service de la lutte contre-idéologique à mener pour dénoncer le fascisme à partir du quotidien exprimé avec l’humour populaire. Des chercheurs (anthropologues, sociologues, philosophes, historiens, etc.) ont été invités par Andréa Eichenberger à écrire de courtes analyses en vis-à-vis de chaque photographie.
Marta Magda Antunes Machado étudie les images dans son texte Zoom sur une recherche photoethnographique. Après avoir catalogué les différentes mesures sécuritaires elle les considère comme « une immense installation artistique attisant la curiosité de celle qui retourne à son lieu d’origine ». Le montage des images de différents lieux plaide pour cette interprétation. Et elle ajoute : « L’exercice de l’étonnement fait philosophie. Et la photographie aussi. » Elle conclut sur leur volonté commune de cartographier ensemble des thèmes issus des études de terrain, elles se placent ainsi « dans la perspective de l’Autre ».
Le rôle des médias dans cette offensive d’extrême droite tous azimuts est mis en valeur avec un réel sens poétique par une certaine Terezinha : « Quand on allume la télévision, si on la « presse », il y a du sang qui sort ! »
Le site d'Andrea Eichenberger