Anne Péry fut notre étudiante à l’Ecole de la Photographie d’Arles, qui n’était pas encore reconnue supérieure en ces années 95 dont elle avait testé une partie des méthodes en suivant des stages avec Arnaud Claass. Elle trouva dans son approche d’une pratique directe, en quête d’images singulières, sa volonté d’approcher le monde un appareil toujours en main.
Anne était une force vive, sensible et cultivée, mélomane et musicienne elle avait pratiqué le violoncelle. Elle cherchait comme elle l’écrit dans ses notes « Une photographie que j’aimerais capable d’objectiver des interstices, d’infimes instants où le monde autour de moi gagne son vrai statut de mystère. » L’année 1998 est à la fois celle où elle sort diplômée avec les félicitations du jury et où elle rencontre Bernard Lamarche-Vadel.
Dans ses notes elle revendique également pour sa création la même quête que le critique et écrivain : « Demeurer dans les marges du visuel, trouver des lisières, buter sur des frontières, réaliser des entre-deux, montrer des vides par où l’œil peut appréhender la plénitude du monde. » Attiré par le foisonnement intime de ces images Lamarche-Vadel va l’intégrer à l’événement installation dont il est le curateur à la Maison Européenne de la Photographie « L’enfermement », aux côtés des meilleurs défenseurs de ce qu’il nommait l’atelier français.
Décédée d’un accident survenu à Cracovie alors qu’elle n’avait que 30 ans Anne a laissé trois ensembles très cohérents, qui manifestent bien que tous sans titre, le même rapport d’incertitude au réel ; le premier en noir et blanc commencé dès sa scolarité, et deux autres en couleurs subtiles dont un réalisé à New York où elle se trouvait au moment du 11 septembre .
Elle témoigne avec pudeur de ces évènements dramatiques en restant comme à l’accoutumé au plus près de « son rapport d’urgence aux détails. » Ayant toujours e sentiment de se trouver en état « d’indiscrétion visuelle » elle se tient toujours dans une exacte distance aux êtres et aux choses. Si le Musée Niepce de Châlons sur Saône a pu lui rendre hommage en 2011, c’est grâce aux œuvres de la collection du critique, ainsi que par un don de ses ayants droits. Justement intitulée « Chuchotements » cette exposition permettait d’approcher une œuvre d’une haute sensibilité que l’on peut retrouver aujourd’hui grâce à la mise en ligne récente de son site personnel.