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ARLES 2022, De l’arbre au collage, du féminisme aux fictions documentaires et aux nouvelles technologies, une réussite

Les Rencontres d’Arles 2022 sont riches et variées dans leur programme In, dans celui de leur principal partenaire, la fondation LUMA mais aussi dans les nombreuses initiatives du OFF ainsi que dans les lieux associés en Région. On y assistait lors de la semaine d’ouverture à une présence renforcée de l’édition française et intrnationale. A l’initiative des Filles de la Photo on a pu apprécier une réflexion pas seulement corporatiste mais avec plus d’ambition philosophique pour toute la profession le lancement des Etats généraux de la Photographie. Jusqu’au 25 septembre toutes sortes de pratiques y sont offertes pour satisfaire des publics différents.

David Gauthier a déjà signalé toute une réflexion autour de l’arbre et pour ouvrir le propos un questionnement écologique.On note le subtile et remarquable traitement en high key des arbres de Léa Habourdin, les vidéo de Noémie Goudaal plus convaincante sur la menace du feu en forêt que dans ses géométrisations verticales trop systématiques. On est passionné par la très complète approche , procédés ancien et formes documentaires, du Ritual Inhabitual sur la situation menacée des mapuches, même sentiment devant l’exposition We, In the Mood for Tree (déjà commentée ici par Yannick Vigouroux). Le travail présenté en plein air de Bruno Serralongue sur la défense de l’eau relève de cette lutte écologique en prenant la forme des fictions documentaires, second type de pratique actuelle très représentée.

Un prix attribué à deux jeunes critiques réunis sous le label UNTITLED DUO, nous permet d’apprécier sous un titre qui fait résonance Si un arbre tombe dans une forêt pour dresser un état des rémanences (post)-colonialistes. Julien Lombardi organise une installation remarquable La terre où est né le soleil résultant d’un long séjour au Mexique où il traduit la situation des résidents et des sols. Beaucoup d’artistes de l’Asie du Sud sont à découvrir alliant une vraie sensibilité à un double engagement que manifeste l’intitulé Documents imaginés. Paul Graham s’attribue le rôle de curateur avec les intéressantes séries de Et pourtant elle tourne, preuve s’il en était besoin de la vitalité des nouvelles formes documentaires. Dans la programmation en région , Mathieu Pernot occupe avec brio la totalité des espaces du MUCEM à Marseille pour y loger son Atlas en mouvement (nous y reviendrons)Le choc esthétique et idéologique le plus fort est sans conteste la double installation d’Arthur Jafa Live Evil présentée à la Mécanique générale, agençant photo scénographiée, sculpture et vidéo dans une radicalité de la lutte des populations noires aussi bien politique que culturelle. Grâce à LUMA cette même dimension historique est illustrée aussi par un reporter professionnel peu connu en France James Barnor. Au carrefour des pratiques subjectives et humanistes très attachant luxembourgeois Romain Urhausen est défendu par Letz’Arles. Le reportage lié à la défense de l’humain est visible dans l’imposante exposition collective consacrée à la Croix Rouge et à l’illustration de son action internationale .

Les pratiques féministes sont à l’honneur , avec dans le lien à la danse Babette Mangolt et sa collaboration privilégies avec Lucinda Childs. Il est très significatif de voir Lee Miller passer d’une photographie de mode et de portraits à son engagement militaire jusqu’à l’ouverture des camps de concentration. Etonnante vision de ces photos dans leur mise page du magazine Vogue. L’un des temps forts de cette édition est la découverte d’Une avant-garde féministe. Photographies et performances des années 1970 de la collection Verbund à Vienne où la lutte des femmes dans le champ artistique et performatif se fait par des oeuvres majeures. On y retrouve les vedettes attendues VALIE EXPORT, Annette Messager, ORLAN, Martha Rosler ou Gina Pane, mais on est étonné de découvrir tant d’autres talents engagés sur la représentation corporelle, le genre et sa contestation. Parmi elles on retrouve dans les différentes rubriques thématiques qui scandent cet ensemble, des oeuvres très puissantes de Birgit Jurgenssen ou d’Elaine Shemilt.

Au croisement de ce champ avec une pratique renouvelée du collage on regrette qu’une seule oeuvre murale nous laisse imaginer la richesse de la technique de Sandra Brewster. Dans l’excellente proposition de Florent Basiletti pour la Fondation Manuel Rivera-Ortiz, autour des Dress Code internationaux les oeuvres très expérimentales de l’artiste éthiopien Amin El Dib sont une véritable recherche. Frida Ourapabo se revendique femme et noire en lutte affirmant la force plastique de ses grands collages de corps désarticulés. Une autre révélation absolue de cette année est Katrien de Blauer (déjà encensée à juste titre par David Gauthier http://www.lacritique.org/article-katrien-de-blauwer-les-photos-qu-elle-ne-montre-a-personne ?var_recherche=Katrien%20von%20Blauer).

Les nouvelles technologies ont aussi leur part. Grâce au prix BMW l’Hantologie suburbaine explore leur rapport à l’architecture dans une nouvelle relation au vivant. Le maître absolu du genre collabore avec Pilar Rosado pour une refonte de la collection des Franciscaines de Deauville dans leur relecture iconoclaste du Déjà Vu.En solo son travail est présenté au Couvent Saint Césaire qui accueille aussi la refonte paysagère onirique du groupe Pussykrew. On y retrouve son légendaire humour qui s’exerce à travers des tableaux de visage déformés sous la puissance de l’orgasme. C’est l’occasion d’un deep fake qui s’exerce sur quatre dirigeants mondiaux dont Strauss Kahn , Erdogan et Trump , statufiés en 3D dans cette expression ridicule.

En dehors d’une sélection un peu short du Prix du livre qui nous avait habitués à la monstration complète des concurrents, plusieurs lieux accueillaient de nombreux éditeurs dont ceux réunis au sein de Photobook. Parmi nos choix Georgia de Ljubisa Danilovitch chez lamaindonne (article à venir), Aurélia Frey avec Dilecta(e) aux éditions de l’epair, relecture sensuelle du Lys dans la vallée de Balzac ou The Eclipse de Stéphane Charpentier publié par Sun/Sun . Nous nous réjouissons surtout que le Prix du livre ait été attribué à SMITH et à ses complices pour Desideria Nuncia première publication de Palais maison d’édition de la libraire arlésienne éponyme (Relire ici l’article publié l’an dernier http://www.lacritique.org/article-l-opera-desidere-de-l-univers-partage-de-smith ?var_recherche=desidera%20nuncia).