Cette scène artistique n’est riche que de trois décennies environ mais sa diversité et son peu de diffusion médiatique nécessitait un regard à la fois critique et synthétique. Dominique Moulon connu pour ses sites de référence nouveauxmedias.net et newmediaart.eu s’y emploie avec une réelle connaissance de ce terrain et en opérant des choix avec une exigence qui l’honore.
Dans l’ouvrage on trouve certes quelques noms familiarisés auprès du grand public par leur aspect spectaculaire ou provocateur tels Eduardo Kac et sa lapine fluorescente ou Stellarc et son troisième bras technologique. On y retrouve aussi les pionniers qui ont acquis aujourd’hui une renommée internationale comme pour les français Edmond Couchot, Miguel Chevallier ou Catherine Ikam et ses clones images. Ces nouveaux médias nécessitent souvent des collaborations qui restent parfois occasionnelles ; des groupes généralement composés de deux ou trois artistes y sont nombreux. Si comme certains musiciens actuels ils prennent souvent un titre ou logo quelque peu mystérieux , l’un des intérêts du livre est de resituer les noms des membres fondateurs et de rappeler aussi leurs initiatives individuelles. On a plaisir à voir évoqué le travail des pionniers français du bio art sous leur étiquette AOO (Art Orienté Objet) ou le duo chic et ironique de Kolkoz qui considère le petit milieu du marché de l’art comme leur terrain de jeux électroniques.
L’ouverture de ces expériences à des champs et à de pratiques très diverses permet à l’auteur de faire figurer, à juste titre, certaines oeuvres dont les créateurs sont ici des outsiders, alors que leur reconnaissance vient d’autres domaines de création : dans le cas d’un art dit , selon les théoriciens, concerné ou contextuel, sont ainsi concerné Krystof Wodiczko ou le plus jeune groupe Société Réaliste. La performance pour l’un ou le design graphique des ergonomie territoriales pour les autres sont mis au service de pratiques contre-idéologiques.
Des représentants des différentes situations nationales européennes et américaines voient leur action établie de façon égalitaire sans que tel courant y soit directement rattachante, à ce niveau la mondialisation des expériences est effective. Sinon en dehors de la Chine et de l’Inde les pays jeunes ou émergents y sont peu présents puisque de telles créations supposent le plus souvent des engagements technologiques et donc financiers conséquents.
En contradiction avec ces données objectives le dernier chapitre du livre prouve qu’en ce domaine comme dans celui des images , des pratiques (plus) pauvres sont aussi engagées. Elles concernent notamment toutes ces expériences réunies autour de ce que l’on nomme bio-art. Comme pour répondre aux critiques souvent formulées d’un art froid ou trop compliqué le livre qui comme tous ceux de la collection à une vie pédagogique se conclut sur une analysée guidée qui porte sur une oeuvre de Maurice Benayoun. Il fait partie de cette seconde génération de créateurs français qui en produisant leur propre logiciel ne négligent pas d’établir des projets ambitieux, où l’humain n’est pas ignoré. C’est le cas aussi de Grégory Chatonsky avec une oeuvre comme « se toucher toi ». Benayoun lui s’est fait connaitre pour cette magnifique installation immersion « La peau du monde » un photo-safari au pays de la guerre qui interroge notre insensibilité aux conflits qui couvrent la planète.
Très bien illustré avec une iconographie choisie ce livre est l’occasion de découvertes nombreuses, il met en avant les multiples aspects d’un art relationnel qui à travers jeux, réseaux sociaux et mondes virtuels questionne notre présent.