Art de la mort et mort de l’art

Curieuse et singulière démarche que celle de Cyril Bourdois, plasticien, historien d’art et inspecteur pour les arts plastiques à l’Education Nationale. Son essai « Art de la mort, mort de l’art » s’appuie sur des exemples de plasticiens contemporains pour mieux nous donner à lire des œuvres anciennes. Il s’agit dans une pratique érudite d’iconologie traditionnelle de déchiffrer des portraits de groupe dans leur rapport à la mort.
Pour mieux s’approprier les œuvres étudiées l’auteur ne se contente pas de son vocabulaire analytique des plus précis, il appuie ses démonstrations sur ses croquis réalisés à partir des originaux.

L’ensemble de son étude s’ouvre sur une photographie de James Mooney montrant des indiens Hopis au XIX° siècle, cliché qui permet à Cyril Bourdois de situer son approche dans la lignée d’Aby Warburg , puisque l’opérateur de l’image était lui-même ethnologue et avait rencontré l’auteur du « Rituel du serpent ». Cette première étude envisage les portraits des esprits, elle est suivie d’un grand bond dans le passé pour rencontrer les peintures des divinités latines.

Se situant toujours dans l’histoire des arts l’étude se focalise ensuite sur une scène de la peinture religieuse que sont les « conversations sacrées » où Jésus enfant et la Vierge sont en relation discursive avec des groupes de Saints. Puis l’auteur continue sa remontée des siècles vers notre époque. Ainsi ce chapitre « Le silence des femmes » à partir d’une toile de 1509 La Vierge entre les vierges de Gérard David voit son fonctionnement symbolique rapproché de cette pièce de Wim Delvoye son Caterpillar gothique.

Cet essai se poursuit entre étude de l’hagiographie et examens des mains dans les portraits humains, avant d’aborder l’autoportrait en famille. La question des portraits allégoriques , comme ceux peints par Le Caravage en 1607 dans « Les sept œuvres de Miséricorde » introduit d’autres lectures d’artistes actuels, comme Franco B. Michel Journiac ou Chris Burden.

Pour rejoindre notre actualité , la question des « portraits capillaires » se trouve posée par une scène de genre installée par le photographe italien Felice Beato, qui a longtemps travaillé au Japon au XIXe siècle.

Cet ensemble d’œuvres anciennes où l’expression du groupe se montre en lien à la question de la mortalité trouve sa conclusion dans cette pratique baroque des plastinats de corps entiers réalisés par Gunther von Hagens.

Dans ces allers-retours permanents comme par la diversité de ses approches ethnologique, sociologique et esthétique cet essai nous prouve que la plus grande érudition est compatible avec une vraie passion des œuvres qui concerne les grandes interrogations humaines.