Tout part d’une gamme de couleurs, celles de la peau, une peau blanche, une peau ambrée, une peau saumonée tout du moins venant se heurter, se confondre, aux vert sauge et bleu turquoise. Le nouveau livre de photographies d’Ayline Olukman, publié chez Médiapop, s’intitule « La mue ».
Partout, la couleur chair l’emporte comme couleur du souvenir, comme couleur déteignant à l’obsession sur tout ce qui est vu, vécu, rêvé dans diverses mises en scènes et natures mortes, ce sont les couchers de soleil, les grenades qui éclatent, les peintures qui coulent, les visages aux paupières constellées d’éphélides.
La mue est ce reste de peau dont on se sépare lorsque l’on change de forme, lorsque la vie passe donc et que l’existence se renouvelle entre les corps et paysages déserts, lointains et irréels. Tout passe sans qu’on s’en rende compte peut-être entre la veille et le sommeil.
Les images d’Ayline Olukman trouvent donc racine dans l’ontologie de la photographie telle que la décrit Barthes, le bien connu ça a été, et pourtant chaque cliché teinté de mélancolie est composé, il n’y a pas de présent dans ces images, mais peut-être quelque chose d’antérieur, au passé ou au futur, entre les roches et les escaliers vides des souvenirs composés, des compositions destinées à faire mémoire et par-là même à exprimer la force sourde et sournoise, présente et absente du souvenir, un jeu pour la psychanalyse peut-être, un agir pour la perte, pour montrer ce qui est perdu et pas ce qu’on a perdu.
Le format du livre favorise l’intimité, une certaine modestie même qui permet d’entrer dans cette œuvre indolente et solitaire et d’apprécier le texte d’Emmanuel Abela ainsi que l’entretien avec Ayline Olukman qui l’accompagne.