Bernard Koest publie le 14 ème livre de la collection Rétina Créations des éditions l’Harmattan. Intitulé « J’ai un crâne dans la tête » il s’engage de façon contemporaine sur le thème de la Vanité à travers ses mixtes mots-images dans une version franco-espagnole.
Ce plasticien né en 1952, formé à la philosophie et à la photographie, avait déjà publié dans le même cadre éditorial un autre livre d’artiste Jaurais Temps aimé ! Il s’y donnait déjà une vise mémorielle à travers une forme journal en hommage à son ancêtre mort lors du premier conflit mondial. François Soulage le directeur de la collection écrivait à son sujet :
« Pour « Photographie et corps politiques », Il avait d’abord fait une installation de Pose en Paix, puis un livre et ensuite une vidéo ;avec une série de dix photos.Koest s’interroge sur l’image du corps de son grand-père mort à la guerre de 1914-1918, corps politique s’il en est. »
Avec ce second essai il ouvre encore plus la perspective dans une réflexion sur notre rapport à la mort et son évolution du moyen-âge à nos jours. On pense à cette citation de René Char « Nous n’avons qu’une ressource avec la mort, faire de l’art avant elle. »
Le corpus se compose majoritmiremnt de runes photographiés ou reproduits dans des dessins assistés à l’ordinateur. Les images des vivant, peu nombreuses, prennent donc un sens fort. Le livre s’ouvre sur une image composite, dans la partie supérieure un ange s’incarne dans une figure d’enfant souriant. Le bas de l’image laisse dans le cadre d’une église une jeune femme venir vers nous, fixée au premier plan par une caméra. On la retrouve vingt page plus loin, de dos, tenant un objectif devant le portail d’une église certainement romane. On suppose que c’est la compagne de l’auteur dont une citation sert de dédicace « Ça va me faire drôle d’être morte » Sylvie Koest.
Dans le texte un certain nombre de paragraphes sont dédiés aux propos d’une femme appelée de façon indécises Elle. Ces personnages évoqués en images ou en texte tissent le cadre d’une histoire de famille. La deuxième image du livre montre un passage à niveau avec deux profils noirs et en superposition un cliché d’album encadré où figurent deux adolescents.
Les trois autres représentations humaines sont des autoportraits de l’artiste ; l’un assis sur une tombe est produit en noir et blanc, les deux autres sont des superpositions photo couleur et traits dessinés. Ceux-ci se mêlent au visage pour lui attribuer un crâne, à la façon dont les sons d’une viole de gambe s’enlaçent à la voix d’un contre-ténor dans une composition baroque.
Le texte s’ouvre sur l’évocation de guerres archaïques et l’impossible mémoire de ces morts oubliés. Très vite le texte nous introduit à un ossuaire au fond d’une église datant de 1652. Comment rendre une identité à ces deuils collectifs pas toujours reconnus par l’Histoire. Comment créer ses propres rituels, rendre vie aux reliques, « face à l’impudeur de la mort qui livre nos corps à n’miporte qui ? ».
Révélateur de la présence sous-cutanée de l’os la radiographie est utilisée deux fois pour les membres d’un impossible toucher et en superposition au vivant du visage pour le plus inquiétant des autoportraits justifiant le titre.
Pour signifier le caractère universellement partagé de ce destin humain une double page superpose sur le fond d’un ossuaire de crânes alignés le dessin appliqué des silhouettes d’une photo d’un groupe de famille, illustrant cette formule du texte :
« Si nous ne regardons pas notre mort en face, nous ne pourrons jamais vivre libres. »