Les photographies aux couleurs vibrantes et à la lumière fascinante de Benjamin Deroche sont la trace d’expériences au contact des éléments. Durant ses promenades, seul dans les milieux où la nature reste quelque peu sauvage, primaire, il se laisse attirer par les percées de lumière et l’esprit des lieux. En s’arrêtant, ressentant l’énergie du site, dans un état de pleine conscience à la nature, pratiquant la méditation, il compose avec les éléments qu’il trouve sur place, de manière très spontanée. Ses créations in situ produisent des signes parmi la diversité des végétaux. L’artiste établit une relation spirituelle avec la nature. Les gestes poétiques qu’il emploie l’amènent à faire surgir les mythes, les légendes des territoires.
Ses interventions artistiques l’accompagnent dans son intégration à un espace baigné de mystère. Il garde en lui son âme d’enfant et ses installations ressemblent à des créations instinctives. Ses œuvres font écho aux « installations et sculptures géoplastiques » d’artistes comme Nils Udo, Andy Goldsworthy, dont la manière de vivre l’ont influencé. Ses photographies restituent « le sens de l’instant » et ses sculptures en matières naturelles. Son attachement à l’énergie invisible qui réside dans les espaces, encore préservés des impacts de la présence humaine, est proche de l’expérience artistique de Joan Fontcuberta.
Benjamin Deroche conçoit ses images avec un hors-champs nous invitant à imaginer un grand paysage où l’homme est amené à prêter attention à la nature. Une expérience de l’ordre du sublime émane également de ses œuvres, fenêtres sur le monde.
Une certaine dimension chamanique et animiste se révèle dans ses travaux qui impliquent un grand respect du milieu exploré. Les matières artificielles qu’il utilise pour capter la lumière cassent l’unité naturelle et subliment l’espace. Son attention à l’île de Lanzarote en 2018 l’a amené à des installations, compositions de ligne, de cercle et où il installé une couronne, des interventions qui attestaient du caractère sacré d’un territoire insulaire. Les fils, les cordes dans ses micro-installations, symbolisent la transmission, les liens entre les individus et la nature.
Dans une quête du merveilleux dans les paysages et avec une ouverture aux dimensions plus concrètes des enjeux liés au vivant, il est artiste associé au CNRS et a accompagné des scientifiques sur l’archipel de Saint Pierre et Miquelon entre 2017 et 2018. Il a documenté le milieu marin et ses photographies de la série Color Land dévoilent les impacts du réchauffement climatique sur la vie benthique (vie dans les profondeurs).
Lors de son exposition à l’abbaye de Jumièges, l’artiste s’est intéressé à une légende de ce domaine historique religieux et a conçu une fausse relique, hors du temps. La lumière, son sujet, lui permettait de faire revivre les récits, une mémoire collective, qui règne dans des lieux reculés. Ses photographies présentent alors des espaces fictifs où persiste une magie. À la limite entre le réel et le surréalisme, elles manifestent des lieux où résistent un caractère sacré.
Ainsi, ses œuvres témoignent d’une relation sensible de l’homme à la nature et nous invitent à la regarder avec une grande humilité. Le mystère persiste dans les images de Benjamin Deroche, artiste marcheur, amoureux des paysages, habitats d’une biodiversité foisonnante et de présences invisibles.