Bernard Dufour , bye bye lover

Quand sort La belle noiseuse de Jacques Rivette en 1991 Bernard Dufour a 69 ans , il a le soutien d’Art Press à travers ses amis Catherine Millet, Jacques Henric et Denis Roche, défenseur chacun de ses trois passions la peinture, la littérature et la photographie. Mais il est moins connu du grand public. Dans le générique du film librement adapté de la nouvelle de Balzac Le chef d’œuvre inconnu il est la doublure de Michel Piccoli, il est crédité comme « la main du peintre », ce sont ses dessins et ses peintures longuement documentés par le cinéaste qui illustrent les liens tendus entre l’artiste et son modèle, interprétée si sensuellement par Emmanuelle Béart. Tout l’univers plastique du peintre qui vient de mourir se trouve dans ces séquences de transmission d’une fascination et d’un désir.

S’il s’est fait connaître par ses nus féminins des années 1960 à 1980, il a aussi produit de nombreux portraits peints, sans compter ses autoportraits. La photographie lui a d’abord servi d’élément préparatoire avant de devenir un élément à part entière de sa création.

Il a produit des portefolio comme Martine N°44 de la collection Erotica édité Chez Higgins , mais il aussi expérimenté de nombreuses pratiques aux marges techniques de l’image. En 2012 l’exposition Manipulations au Centre Photographique de Lectoure reprenait différentes tentatives d’images à partir d’un commissariat de Martine Michard, directrice de la Maison des arts Georges Pompidou à Cajarc. A côté d’un diptyque intitulé Blow Up en hommage à l’exacerbération des détails dans le film d’Antonioni, on pouvait admirer des clichés-verre technique entre gravure et dessin rendue célèbre par les paysages de Jean-Baptiste Camille Corot et des cyanotypes technique ancienne utilisée d’abord pour des tracés bleus d’architecture. A côté de ses amoureuses officielle, Martine ou Laure la série des Photos noires réunit d’autres nus tout aussi sexuels dont l’identité a été rendue secrète par un traitement de laboratoire . A leur sujet il déclarait : « Il n’y avait plus ni beauté, ni laideur, ni désir, ni dégoût, mais un charme extraordinaire puissant. »

Il a pratiqué aussi à la façon d’un Nobuoshi Araki des alternances de corps exaltés par le désir et des natures mortes de repas pris dans sa maison de Pradier où il a fini sa vie.

IL a toujours accompagné ses productions plastiques d’écrits proches d’une forme sincère de Journal mais d’une haute tenue littéraire. Cette double pratique ne peut que le rapprocher de son ami éditeur, écrivain et photographe, Denis Roche, dont la relation amoureuse avec sa femme, leurs voyages communs sur les hauts lieux internationaux de la culture ont constitué la base de ses créations poétiques et photographiques.

Dans ses récentes productions images Bernard Dufour s’était aussi consacré à la création numérique. Sur sa pratique comme sur le média lui-même il aimait rendre grâce à ses pouvoirs :
« La photographie nous maintient tous… dans une effervescence très agitée de rêves, d’utopies, de projections, de passions et de travail. »

En dehors des nombreuses collections publiques ses peintures récentes sont toujours visibles à la galerie Trigano. La démarche singulière de cette artiste obsédé par la relation amoureuse reste un témoignage d’une grande humanité transcrit dans toutes sortes d’esthétiques et de pratiques icôniques.