Depuis quelques années la céramique a trouvé son expression la plus contemporaine en alliant ses protocoles avec d’autres arts, ce qui lui assure une dimension plus universelle loin de son seul destin décoratif. A Vallauris après l’aventure moderne développée par Picasso la Biennale a été créée en 1968, depuis elle conforte les aventures les plus actuelles de cet art si difficile dans sa réalisation, alliant élégance et fragilité.
Début 2014 dans le numéro entier d’art press 2 qui lui était consacré un article de Thibaut de Ruyter confirmait ce tournant : « La belle céramique est derrière nous ». La récente manifestation parisienne Céramix de Rodin à Schütte présentée simultanément à la La Maison Rouge et Cité de la Céramique de Sèvres confirmait cette actualité.
L’édition de cette année à Vallauris s’organise avec l’invitation de deux nations les Pays Bas et la Corée du Sud. Pour le non spécialiste les productions hollandaises retenues restent trop près d’une beauté pratique. Un seul artiste, Helle Jongerius, apporte une dimension critique, en tous cas ironique, en poursuivant le motif d’une nappe sur une assiette cassée. Les propositions coréennes beaucoup plus pertinentes et singulières prennent en compte l’animalité et la corporalité. On y apprécie les dérangeantes poupées aguicheuses de Kim Minjoo ou le bestiaire silencieux mais tellement présent de Maeng Wook-Jae. Shin Dong Won On the way home joue d’une perspective modifiée par le déplacement du visiteur le long de maisons stylisées absorbant leur propre décor jardinier.
Au musée Magnelli l’artiste coréen Kim Joon est l’une des révélations de cette édition avec ses photographies numériques de grand format qui redoublent dans leur effet de brillance le rendu de la céramique. Ces images d’une grande froideur détonent avec les corps démembrés des mannequins ornés comme des porcelaines.
Ces deux séries, Drunken et Fragile, explorent avec sensualité les sensations de la peau dans une approche rénovée du tactile. Dans leur fragilité ces fragments corporels décorés de tatouages et liés par leur légende à des grandes marques d’alcool relancent la dialectique du désir et de la mémoire.
La seconde révélation de cette biennale est fondée sur la performance. Dans ce domaine singulier un prédécesseur iconoclaste reste Ai Wei Wei avec sa série Dropping a Han Dynasty Urn de 1995. Valérie Delarue a quant à elle montré plus récemment le processus performé de ses créations en porcelaine. Refugium de la Suédoise Christin Johanson est une installation dans tout l’immeuble de l’ancien salon de coiffure de Picasso. C’est la résultante d’une performance d’une semaine qu’elle a mené avec le danseur et musicien Peter Scherrebeck Hansen. Sans échanger un mot, ils ont entretenu une communication spirituelle fondée sur des rites utilisant l’argile. Tout en parcourant les différents étages du bâtiment nous trouvons les résidus de tissus et de pièces créées par le feu en partageant l’échange hautement singulier des deux artistes grâce à des vidéos. L’ensemble évoque des univers aussi forts que ceux de Beuys ou de Dieter Appelt.