Born to lose, live to win

Charles Bukowsky était, entre autres, écrivain, poète, hippie avant l’heure et grand amateur de courses de chevaux. Notes from a wine stained notebook paru chez City Lights regroupe un ensemble d’essais souvent personnels écrits pour des revues ou des journaux de la contre-culture. Bukowski y met en œuvre et y défend une écriture d’outsider, inextricable d’avec une vie sur la brèche. Si l’alcool, le sexe, les bagarres dans les bars sont bien à leur place dans la géographie personnelle de l’écrivain, il se dégage aussi des textes une constance et une discipline qui contredit son image.

Il y a une méthode chez Bukowski, aussi dangereuse et chaotique puisse-t-elle être. Cette méthode qu’il applique à sa vie comme à son écriture est exposé dans plusieurs des textes dont une explication de sa méthode aux courses. Avec précision et sérieux, Bukowski explique moins une martingale qu’une attitude, le moyen qu’il a trouvé pour composer avec un système qui nous défavorise.

A series of disappointments de Stephen Gill est un beau contrepoint aux textes de Bukowski. Le photographe, habitué à travailler avec des fonds d’archives et des images trouvés, a collecté un ensemble de tickets perdants, ramassé à Londres près de maison de pari. Les tickets, pliés, tordus, roulés et déchirés, sont photographiés et imprimés avec une élégance rare. Ils rappellent les séries mathématiques de Sugimoto ou les fétiches africains de Walker Evans. Ici la typologie reflète l’accumulation inévitable du nombre des perdants, le lieu des paris comme le lieu où se perdent temps et argent.

Mais l’un comme l’autre dépassent la seule question du jeu. L’un et l’autre visent au-delà, une discipline qui fera de la défaite inévitable la matière d’un autre jeu sur un autre terrain. Stephen Gill donne, avec ce très beau livre-objet, une illustration de la méthode Bukowski où la perte et l’échec, sculptés, polis, brillent finalement d’un éclat plus noble que le clinquant de la victoire.