CINÉDANSE 50 films culte, sous la direction de Dominique Rebaud et Nicolas Villodre.
Nouvelles éditions Scala.
Novembre 2024.
162 pages, 35 euros.
ISBN 978-2-35988-310-7
Ô lectrices, ô lecteurs, vous savez combien le cinéma m’accompagne, et cela depuis ma toute enfance où je voyais (j’avais alors six ans) « Les aventures de Robinson Crusoé ». Plus tard, j’ai su que le réalisateur de ce film était Luis Buñuel. Vous savez aussi que depuis quelques années je regarde avec attention et passion quelques pièces chorégraphiques, Pina Bausch, Trisha Brown, Anne Teresa De Keersmaeker par exemple ou encore Takao Kawaguchi en hommage à Kasuo Ohno. C’est Christian Gattinoni qui m’a insufflé cet amour-passion pour la danse.
Aussi, quand Michel Guillemot m’offrit CINÉDANSE, 50 films cultes, je fus particulièrement ému car je savais que j’allais retrouver ces moments qui aujourd’hui habitent ma mémoire. Un livre donc, sous la direction de Dominique Rebaud et Nicolas Villodre, dont le sommaire donne le vertige : un livre et des images de danse à travers le cinéma.
On connait les injonctions des photographes du 19e siècle à l’adresse des portraiturés : « Ne bougez pas ». La puissance du cinéma, dès 1895, fut de crier haut et fort : « Bougez ! Ça tourne ». Je ne suis pas loin de penser que dès lors, les maîtres de ballet devaient dire aux danseurs : « marchez ! Courez ! » Et de rajouter sûrement : « Bougez, vous êtes filmés ! ». En effet, « la danse moderne apparait en même temps que le cinématographe », note Nicolas Villodre.
Voilà donc un art nouveau s’alliant avec un autre art naissant, telle une magnifique tresse prometteuse : le cinéma comme notation de la danse et le cinéma comme mémoire de la danse, la danse comme objet de cinéma et la danse transcendée par le cinéma même.
Le titre de l’ouvrage nomme avec justesse cette noce : l’union de deux arts : CINÉDANSE comme Dziga Vertov appelant de ses vœux le CINÉ-ŒIL ou Jean Rouch revendiquant un puissant CINÉMA-VÉRITÉ.
50 Films et 50 textes pour les accompagner.
50 films montrant la danse et 50 textes pour prolonger ces moments chorégraphiques tous divers et tous uniques : danses gitanes, égyptiennes, pantomimes, danses classiques et modernes, danses expérimentales, performantes ou traditionnelles, actuelles et primitives.
On découvrira des films et des danseurs.
On retrouvera Pina Bausch, Joséphine Baker, Pascale Houbin et Philippe Decouflé, Georges Méliès, Jacques Demy, Jean Rouch, Jean-Christophe Averty.
On se souviendra de « Une idylle aux champs » (Sunnyside), la comédie de Chaplin (1919) où Charlot fait une ronde avec des jeunes filles en fleurs. On sait que ce court métrage annonce une autre histoire, celle du travail à la chaîne, du machinisme et du chômage. Et cela sera « Les temps modernes » (1936). Que l’on compare les deux films : ce sont les mêmes gestes (tenir une fleur ou manier une burette d’huile), c’est la même poésie mais quelque chose en plus, l’alliance de la poétique et de la politique.
La puissance de CINÉDANSE (sa beauté) est non seulement de nous renvoyer, dans un concert élégant, à nos propres souvenirs cinématographiques mais également ce livre nous invite à envisager d’autres moments filmés où les réalisateurs ont pensé la danse à travers le documentaire ou la fiction. Je songe à quelques absents, à Wim Wenders et à Chantal Akerman filmant Pina Bausch, à Johan van der Keuken montrant des leçons de danse indienne pour apprendre « à bouger comme l’eau ».
Invoquant dans un texte lumineux Le p’tit bal (Philippe Decouflé, 1994), Pascale Houbin conclut : « Et c’était bien ».