Cahin-caha exposition d’Hélène Bertin : une exposition qui réunit des jardins à expérimenter, à parcourir et à ressentir

Pour Hélène Bertin, la pratique artistique et notamment la sculpture peut être travaillée selon une philosophie d’un art de vivre. Elle mène à la fois des temps de recherches en résidence ainsi que dans son village d’origine et réalise des expositions, moments de partage.Il y a deux ans, elle fut invitée au centre d’art Le Creux de l’enfer pour concevoir un espace d’accueil plus humain et convivial. Celui-ci regroupe des espaces de documentation, de manipulation et de dégustation. Les pieds en céramique du salon font écho à l’eau qui entre parfois dans le lieu d’exposition.

L’artiste, après un temps de résidence, a pris connaissance du lieu, du territoire et des habitants. Elle a pris soin de produire ses pièces avec la collaboration d’artisans de la commune de Thiers et des villages proches. Elle créé ici des œuvres qui convoquent la transmission intergénérationnelle. Pour cette exposition personnelle, elle a conçu un parcours en trois actes qui expriment les trois âges de la vie. Le jardin est en mouvement, changeant en fonction des saisons. Hélène Bertin s’est inspirée de ce lieu de nature créé par l’homme pour agencer ses œuvres.

Au rez-de-chaussée, le jardin juvénile est composé de bacs remplis sable provenant du Vaucluse et du Puy-de-Dôme, dans lesquels des céramiques incitent à être manipulées pour modifier des paysages. Au-dessus de ces bacs, des cerfs-volants courbes à l’ossature asiatique exhibent leurs teintes ocre. Du plafond la musique faite d’instruments à vent semblent faire courber les tableaux volants.

Entre parenthèses et dans le jardin juvénile elle présente son nouveau livre, un conte pour les enfants. Depuis trois ans, Hélène Bertin a réinvesti le rituel de son village, une fête annuelle consistant à emmener les villageois à aller couper un peuplier puis à le remonter jusqu’à l’église, un don, pour les avoir protégés de l’épidémie de peste de 1720. Sur un mur, elle met en valeur ce rituel. Dans un peuplier de 2019, elle a creusé des niches dans lesquelles s’inscrivent des salopettes réalisées en tissu provençal et surplombés de profils en céramique. Cette fête emprunte le motif de « l’arbre de mai », un motif universel de fête populaire et replace le modeste humain dans son désarroi face aux épidémies.

À l’étage, la musique fait de samples d’instruments à corde, comme une partition d’un vannier enrobe le jardin des paniers. Celui-ci nous convie à une déambulation pour observer divers pots produits durant sa résidence à la Borne, dans le Berry. Surélevés sur un terrain peint à la peinture à la farine avec une ocre jaune de Roussillon, ces pièces s’apparentent à des contenants, traces de récipients remplis puis vidés. Cette installation suggère des cueillettes. Des pantins hybrides incarnent des moments marquants des changements de saisons que l’artiste avec son collaborateur Jacques Laroussinie ont observé durant sa résidence. Un rideau constitué de cinq espèces de céréales a nécessité un temps long de fabrication et la participation de l’équipe du centre d’art ainsi que des visiteurs pour réaliser des petits bouquets de blé tendre & dur, de petit et grand épeautre, de seigle et d’avoine. En écho aux sculptures, des collages montrent leurs différentes teintes. Ces œuvres composent un espace de réception, un moment qui rend hommage à la nature nourricière.

Pour clôturer ce parcours à travers les âges de la vie, dans la grotte, un mobile de céramiques pétrifiées et une ambiance sonore réalisée par Romain Bodart à partir de samples de chants de moines nous propose de nous arrêter pour entendre des voix. Cette installation a un aspect solennel et sollicite notre humilité face au temps qui passe.

Les œuvres d’Hélène Bertin sont une ode à la croissance, à la convivialité et à une communion avec la nature. En privilégiant le fait main et des coopérations avec des artisans, elle met en lumière des savoir-faire qui se transmettent, témoignant de l’histoire d’un territoire.

Le son créé par Romain Bodart, qui se diffuse chaque espace, nous accompagne dans notre mouvement. Le temps est au cœur de cette exposition : temporalité de différentes techniques de transformation de la terre, cuisson rapide, lente, puis pétrification, un temps qui s’assombrit également au fil de la découverte ainsi que temps du passage des visiteurs, incités à manipuler certaines pièces.