Née en 1980 à Toulon, Catherine Aznar se forme aux arts plastiques à l’université d’Aix-Marseille. Après un mémoire sur « L’entre-deux comme visibilité d’une faille » elle intègre l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris pour être diplômée en design textile. Elle développe
alors professionnellement ses talents de conceptrice matière, couleurs et imprimés. Elle enrichit ses nombreuses ouvertures à la décoration et à la mode par son œuvre picturale profitant d’une conception novatrice des abstractions colorées.
Dans ses Histoires de peintures Daniel Arasse distingue deux formes de réception de ce type d’œuvre :
« Il y a donc cette double émotion : l’émotion choc devant, pour moi en général, le coloris et, complémentairement, l’émotion de la densité de pensée qui est confiée à la peinture ».
Face aux productions de Catherine Aznar nous sommes nous aussi d’abord sensibles à la splendeur de ses variations colorées. Nous intéressant à ses multiples techniques mises en œuvre nous y voyons transparaitre son concept transversal tout à fait contemporain. Cette œuvre se situe théoriquement dans un après Gerhard Richter, notamment dans le débat entre photographie et peinture sur la question de la représentation.
Arasse dans le même essai montre à propos de Rothko « comment la figure s’était engloutie dans l’abstraction, et comment elle continuait à travailler, comment il y avait dans cette abstraction un corps absent continuant à travailler ».
Catherine Aznar ne renoue que partiellement avec la figure, l’ensemble des supports qu’elle utilise, à l’exception de la toile justement, plexiglass, aluminium ou papier en minent les contours tandis que les techniques de report lui constituent un corps qui travaille en sous- œuvre, dans l’aléatoire d’une reproduction imparfaite, ainsi de l’oxydation.
Les Photomatières peuvent s’ordonner en lignes de matière ou en lignes de couleurs. Dans le premier cas une figure sans bord franc semble surgir du cœur même de la matière d’aluminium. Ses productions sont proches alors des encaustiques de Philippe Cognée, dans une imprécision plus troublante. Pour la série des Blancs réversibles elle paraît creuser le cœur de ce support de plexiglass, ni mat, ni opaque. L’utilisation de son envers rappelle alors les miniatures sous-verre d’un Philippe Favier sans en avoir le maniérisme, ses dimensions confrontant directement à la transparence. Support et matière peuvent encore voir une figure plus couvrante fusionner dans la série des Temporalités qui mêlent impression et oxydation sur papier.
Quant aux peintures elles relèvent de deux règnes, celui du minéral et celui du métal, surtout quand elles se cantonnent à deux dimensions. Sa peinture se trouve toujours profondément sédimentée reprenant des processus naturels de constellations, de concrétions, d’érosion ou de fossilisation. Comme elle le revendique « dans cette géologie de la matière la couleur dessine ». Elle suscite des évocations poétiques, sensations paysagères ou représentations terrestres, célestes, effets aquatiques ou gazeux.
Dans son expérimentation conjointe de la couleur et de l’espace l’artiste reprend le matériau qui a fait l’objet de toutes ses études, le textile, notamment sous l’espèce synthétique du nylon. Elle lui associe l’acrylique ou la gouache pour générer ses mobiles. Ces architectures aériennes donnent dans l’entre-deux de leur mouvement une nouvelle énergie à la couleur.
Quand ses peintures voient leur support se structurer sur un troisième plan, elles s’incurvent pour devenir pseudo-sculpture ou décor d’installation . On peut les concevoir comme les maquettes de ces scènes où elles convoquent d’autres créateurs. En effet pour accentuer la rénovation matiériste générale qu’elle recherche l’horizon du geste se profile en performances. La fluidité restant une qualité de l’ensemble de ses productions, elle collabore avec différentes danseuses pour poursuivre ses recherches autour du corps et de la peinture en mouvement. Cet apport sensoriel engage une narration grâce à l’authenticité du geste inscrit sur cette temporalité vécue dans l’espace qui restaure une histoire contemporaine de la couleur.