Celine Condorelli, Support Structures,

Support Structures est un livre de 435 pages, que l’auteur, Celine Condorelli, présente comme la dernière phase d’une recherche formelle et conceptuelle sur la question du support, en tant que structure d’ordre architectural mais aussi social, culturel. L’ouvrage se veut également être le support d’expression d’une réflexion collective engagée sur le support et une incitation à poursuivre le travail commencé par des artistes, des philosophes, des architectes, des critiques depuis plusieurs années, mais pour la première fois assemblé.

Il s’agit d’un manuel dit l’auteur qui l’a réalisé avec le concours du designer James Langdom, afin que la structure qui donne forme au volume, soit repérable bien qu’intégrée à l’ensemble.
Ainsi la première de couverture annonce le sommaire, écrit en petits caractères, tandis que « la quatrième » affiche le titre en grand caractères, au dos donc de l’ouvrage. Inversion donc de l’ordre habituel qui s’annonce et se poursuit par d’autres permutations : dedans dehors, début et fin, dessus dessous, contenant contenu. La table des matières généralement placée à la fin mais à l’intérieur d’ouvrage, apparait ici en surface imprimée en noir et rouge sur un support beige, tandis que le titre est imprimé en beige sur fond rouge.

Le contenu du livre est exposé d’emblée et l’en-tête renvoyée au fond. Ces déplacements sont constitutifs du livre : de sa forme et de son propos. De « Support structure », la structure se donne à lire à travers sa composition. Les typographies, polices, styles, tailles des caractères, les mises en page extrêmement diverses calibrent et distribuent les textes, interfèrent sur leurs relations aux images dont l’organisation, non moins sophistiquée, décline toutes les dimensions depuis des pleines pages aux vignettes. C’est dire combien ce livre est visuel, et inversement combien sa visibilité supporte et aide à sa compréhension. Les images en marge ou mélangées au texte sont des reproductions d’œuvres, de dessins, de performances, de plans, de maquettes, d’énoncés conceptuels. Elles sont des archives, des esquisses, des documents « à l’appui » du sujet traité, que l’on regarde et déchiffre à l’égal des textes. Ce foisonnement produit volontairement un effet de chaos mais maîtrisé et soigné tant en ce qui concerne les textes que les images. Exemple de cet ordre sous-jacent, les caractères sélectionnés pour les titres et sous-titres dérivent des Incomplete opens cubes de Sol Lewitt dont les arêtes sont devenues les bâtons des lettres. Le processus graphique répète, reprend, déplace les éléments minimaux de la structure-sculpture modulaire. Le choix exclusif des couleurs noir et rouge, fait écho aux principes dynamiques et élémentaires du constructivisme.

L’ouvrage comprend 10 chapitres, outre l’introduction et la conclusion, qui se terminent chacun par une description, un exposé, une définition ou une analyse du support du point de vue de l’art, de l’éducation, du collectif, de l’espace public, du renouveau urbain. Sont ainsi présentés des projets passés ou en cours, analysées des situations urbaines, montrées des œuvres conceptuelles, menées des expériences graphiques. La théorie ici ne s’exprime pas seulement en mots mais en agencements plastiques.

Les supports de la réflexion développée dans le « manuel » sont Muntadas, Buren,Weiner, Lewitt, Kiesler et autres minimalistes, conceptuels, aktivistes, du côté des artistes ; côté philosophes ce sont Derrida, Barthes, Derrida, Deleuze, Arendt, Guattari, Lévi-Strauss, Foucault, des penseurs qui ont interrogé les « cadres », et les processus de la pensée et de la vie sociale. Outre le texte de présentation signé par l’auteur architecte et son acolyte artiste, Gavin Wade, les articles ont été recueillis auprès de divers auteurs qui ont tous en commun d’être engagés dans une pratique artistique, architecturale, ou critique qui découvre et explore les conditions matérielles, idéologiques, épistémologiques de leur production. Le but n’est pas de dégager à partir des diverses expériences, le patron d’un support exemplaire ou universel mais de dire, pour chaque cas particulier, quelles sont les structures qui supportent un projet, une pensée, comment elles fonctionnent eu égard au contexte, quels dispositifs les artistes et autres responsables engagés inventent-ils pour mettre en lumière et changer les conditions de production de l’art et de l’architecture, de la culture et de la vie sociale. Il est une constante qu’aucun moment du livre ne dément : agiter la question du support, c’est attaquer des formes consensuelles du travail, des relations sociales, des rapports au pouvoir, de la production de l’espace.

A l’interface du pas encore fait et du déjà fait, du visible et de l’invisible, de l’art et de l’architecture, comme le sont les échafaudages, les étais, montés puis démontés, assimilés à la construction achevée, le support comme pratique relève d’une réflexion philosophique, sociale urbaine mais aussi d’une imagination politique dont l’auteur rappelle le concours nécessaire. “ This project addresses questions for the art and architecture community, on forms of display, organisation, appropriation, dependency and temporariness ; it defines spatial practice as a form of political imagination.”
Le livre est anglais non traduit