« Chambre 812 de Louise Narbo et Dominique Perrut », autofiction littéraire et photographique

Chambre 812 est un livre empreint d’une sombre et envoutante mélancolie, conçu à quatre mains. Il a en effet été co-réalisé par la photographe Louise Narbo et l’écrivain novelliste Dominique Perrut, son compagnon. Il aura fallu 48 ans au couple pour concrétiser la promesse qu’ils s’étaient faite au milieu des années 1970 : mélanger dans une publication leurs textes et leurs images… La photographe décrit cette décennie comme une période de « fuite dans la relation amoureuse » où les deux jeunes adultes refusaient alors l’idée par trop conventionnelle « du couple et d’avoir des enfants ».

Du journal intime à la fiction… Les souvenirs de la chambre d’étudiant n° 812 sont placés en regard de la narration de 2023. Le texte d’époque de l’écrivain est imprimé, dans sa forme manuscrite, en cartouches – l’idée de l’imprimer en fac-similé en revient à l’éditeur Arnaud Bizalion – et fait écho à la nouvelle plus récente imprimée avec une typographie classique sur un fond blanc, et, plus rarement, sur un fond noir. A ces deux textes, ces deux temporalités entremêlées font subtilement écho les images en noir et blanc anciennes et actuelles « orphelines » (réalisées pendant la période de confinement) de Louise Narbo.

Dans cette fiction autobiographique teintée de nostalgie, la photographe a su remarquablement éviter l’écueil de l’illustration littérale. L’image ne « colle » jamais au texte mais y fait écho de manière métonymique, toujours par des allusions subtiles et indirectes. 

Fragments secrets d’une intimité qui se livre à nous dans les recoins des intérieurs et de l’intériorité subjective, et le ciel parisien souvent nocturne saturé de silence.

Dominique Perrut évoque notamment beaucoup dans ces textes le scintillement de la Seine propice à la rêverie introspective et la photographe confie « s’être alors hasardée à mettre des images plus abstraites ». Ainsi, outre des détails de clapotis sur le fleuve, ces flasques méduses flottent dans l’espace onirique…

Ces détails contrebalancent les vues plus générales, créant un rythme. 

Les fenêtres sont aussi l’un des motifs récurrents de ces photographies mélancoliques empreintes de nostalgie ; Louise Narbo souligne leur importance dans sa vie car elle a été « beaucoup enfermée dans son enfance pendant la Guerre d’Algérie » ; celles-ci offraient en effet « la seule possibilité de voir le monde ».

Les photographies de carnets et tous les lieux tels qu’un coin de table propices à l’écriture mettent par ailleurs fréquemment en abyme le processus littéraire d’autofiction.

Dans la droite lignée des photographies du petit recueil Coupe Sombre (Yellow Now, 2012) tout aussi mélancolique et poétique, les images de Chambre 812 confirment la force plastique et littéraire des images de Louise Narbo. Celles-ci nous convient une fois de plus à une errance visuelle à laquelle chacun peut s’identifier, prenant plaisir à s’égarer dans les méandres de son imagination et de sa mémoire. Par leur absence de référent explicite, elles aspirent à l’universel, et le pari visuel est des plus réussis.

Chambre 812 de Louise Narbo et Dominique Perrut
Arnaud Bizalion éditeur, juillet 2024
128 pages, 33 euros
ISBN : 9782369802013
Commander le livre
Le site de Louise Narbo : https://www.louisenarbo.fr/