La fondation Serralves à Porto abrite un musée et accueille de jeunes artistes en résidence, elle mène également un travail d’édition qui donne au travail des artistes un espace de présentation qui dépasse la forme traditionnelle du catalogue pour constituer pratiquement un lieu propre de présentation de l’œuvre. Par cette élégante démarche d’édition, la fondation Serralves fait du catalogue la chambre d’écho du travail artistique.
Les deux catalogues de Charlotte Moth et Fernanda Gomes partagent une construction identique, ils s’ouvrent tous deux sur un large ensemble de photographies suivi sobrement de textes critiques. Séparés, le texte et l’image conservent une relative indépendance, l’un ne vient pas illustrer l’autre. L’ordre traditionnel du catalogue qui présente d’ordinaire des planches à la suite ou en regard des textes critiques est renversé. Les images viennent en premier, on a alors toute latitude pour traverser une première fois le travail sans à priori. Cela importe particulièrement dans le cas de deux artistes qui établissent, par leurs œuvres, un territoire plastique singulier, un discours visuel et spatial qui entre difficilement dans une logique strictement dialectique ou démonstrative.
Les images sont des reproductions d’œuvres, des vues d’atelier et d’exposition. Elles forment comme les textes, un territoire autonome. Pour Fernanda Gomes, l’objet livre, sans inscription extérieure, est traité, par sa forme et sa façon, comme une œuvre de l’artiste. Il en garde l’aspect rugueux et simple tout en donnant le sentiment d’un équilibre idéal entre forme et volume. Les textes sont mis en page comme ils le seraient dans un roman, modifiant ainsi naturellement le tempo de la lecture.
Pour Charlotte Moth, les pages imprimées sur un papier épais ne sont pas collées au dos du livre. Elles se présentent donc comme un jeu de planches, indépendantes, que le lecteur est libre d’ordonner ou de désordonner. Ici encore la construction du livre épouse le mouvement du travail de l’artiste. Les vues du projet réalisé à la fondation peuvent ainsi être assemblées en une proposition de montage, un prolongement du travail d’exploration qu’esquisse les images. La question du corpus, essentielle dans l’archive intitulée Travelogue que Charlotte Moth constitue et met en œuvre depuis plusieurs années, trouve donc dans le livre un écho formel.