Christine Laquet à la galerie Sycomore art : une singularité multiple

Suite à une résidence à Bangkok, Christine Laquet présente les diverses facettes de son univers et tente de nous faire avancer sur la voie d’une prise de distance vis vis-à-vis des images et des ordres quelles contiennent et qui gouvernent nos perceptions mais aussi nos actions.

Une galerie en mouvement

Ouverte depuis Mars 2004 à Paris, la galerie Sycomore Art défend une forme de diffusion oblique de la création contemporaine en présentant aussi bien sculptures, peintures, installations que vidéos.
En 2005, à l’occasion d’un long séjour au Brésil, l’évidence d’une cohérence entre les travaux d’artistes brésiliens et français a poussé les responsables de la galerie à créer une antenne au Brésil et à promouvoir une circulation bilatérale. Ainsi la galerie a établi depuis juin 2006 un partenariat avec la galerie EDUARDO H FERNANDES, à Sao Paulo Brésil et participera cette année encore à la Foire SP Arte de Sao Paulo.
Sycomore Art présente jusqu’au 10 Mars 08 une exposition de CHRISTINE LAQUET (FR) « SAUBRESAUT DEPLACE » du 1er Mai au 20 Juin 08, une exposition Frédéric NAKACHE (FR) à la Galerie Eduardo H Fernandes à Sao Paulo et présentera du 22 Mai au 30 Juin EDUARDO CLIMACHAUSKA (BR), dessins et installation, à Paris.

Déjouer la fascination

L’exposition « Soubresaut déplacé » de Christine Laquet est en grande partie la reprise du travail qu’elle a réalisé et montré lors d’une résidence effectuée à Bangkok en Mai 2007.
Les mots jouent un rôle important dans le travail de C. Laquet et cela dès le titre. Bangkok signifie en effet la cité des anges et le premier titre de l’exposition était « Qui veut faire l’ange, fait la bête ». Par un mouvement de déplacement latéral, C. Laquet nomme ses poupées qui envahissent le ciel de l’exposition « Mes petits anges déchus ». Elle donne aussi un nouveau titre à son exposition en écho à une autre image qui relie les anges de Bangkok et la chute des anges, soubresaut déplacé parce que ce terme est la traduction dans le vocabulaire de la danse du saut de l’ange.

Ces précisions sont importantes car elles montrent bien comment fonctionne la réflexion de C. Laquet. Elle compose ses œuvres dans un triple mouvement. Le premier part de ce qu’elle perçoit ou reçoit du dehors et qui vient s’inscrire en elle. Elle se saisit de ces données, les analyse et les traduit de manière analytique. L’œuvre « Central World Plaza » en témoigne aisément qui est à la fois une reprise du visible tel qu’il se donne à travers une photographie d’un endroit de la ville et son déploiement dans l’espace qui en renforce l’effet tout en nous le faisant percevoir de manière distanciée.

Le deuxième mouvement part des échos produits en elle par des données immédiates ou de mémoire qui la conduisent à se mettre en scène de manière indirecte. Ainsi peut-on voir dans la vidéo « Dorippe Granuleta », un film sur le déplacement d’un crabe sur le sable thaïlandais, une sorte d’auto portrait là aussi distancié.
Le troisième mouvement est un mouvement qui va consister à mixer ces données en les reliant entre elles à travers des associations d’éléments relevant de l’imaginaire individuel ou collectif, passé ou présent. Ainsi tel chalet en forêt est un lieu qu’elle a connu enfant, et les poupées qui incarnent les anges déchus sortent tout droit de mangas.

Mélange des genres

La manière toute particulière qu’a C. Laquet de situer sa création au carrefour de plusieurs réalités se retrouve dans le choix multiple de ses médiums. Elle réalise selon ses besoins, on l’a vu, des photographie comme des vidéo et des installations mais aussi des peintures.
Ces œuvres sont faites à partir de photographies, ce qui situe son travail dans le grand mouvement actuel qui voit dans la peinture le moyen d’interroger les effets sur la perception de l’hallucination généralisée dans laquelle l’envahissement de nos vies par les images ne cesse de nous confiner. Ainsi, ce qu’elle peint tend littéralement à déréaliser l’image, fait naître de l’image censée dire la présence de l’absence un sentiment d’absence en train de se produire sous nos yeux. En effet, ce qui est visible, corps et paysages mêlés, semble en train de se dissoudre sous nos yeux, emporté par la puissance de la lumière. L’image est ici reconduite à l’aveuglement nié qui la rend possible, le monde de la caverne à l’éclat du soleil qui le rend perceptible en dénonce l’absurdité et notre regard à la prison de nos croyances dont, outre l’image, le titre tente de nous aider à nous délivrer.
Plongée au cœur tumultueux des croyances contemporaines, qui souvent ignorent qu’elles en sont, C. Laquet tente avec conviction de comprendre à partir de ce qui lui arrive ce qui arrive au monde.

Galerie Sycomore Art
Impasse de la Boule rouge
7 bis, rue Geoffroy Marie
75009 Paris
Camille de BAYSER
Rose BURKI
T 01 47 70 25 12 / 06 89 53 41 16