Chuck Samuels rentre dans l’histoire

Comment quand on a été responsable d’un des principaux festival international de photographie pendant douze ans faire œuvre personnelle ? Chuck Samuels qui fut pour les six dernières éditions biennale directeur du Mois de la Photo à Montréal nous apporte une réponse forte et originale grâce à l’invitation de son compatriote Serge Clément au Réverbère 2 à Lyon.

Catherine Dérioz et Jacques Damez représentent depuis plusieurs années le photographe québecois pour la diffusion de ses street view. Ici c’est l’histoire de toute une vie qui est revisitée dans ce décalage que pointe son intitulé « Dépaysé ». En choisissant quant à lui le titre générique « Le photographe » Chuck Samuels revendique son inscription à la fois drôle et référencée dans l’histoire spécifique du medium.

En se plaçant dès 1991 « Before the camera » il complète l’histoire du nu, échangeant avec un de ses amis les rôles d’opérateur et de modèle. Les nus féminins les plus célèbres y sont donc interprétés par les deux hommes dans une posture que l’auteur revendique comme homo-ironique plus que revendicatrice d’un érotisme gay. Cette série contribue avec légèreté à régénérer autant l’histoire de la photographie que celle des gender studies.

Avec « Le photographe » série de 2015 Chuck remplace en post-production les autoportraits des plus grands photographes par son propre visage, avec spéciale dédicace à quelques uns d’entre eux appartenant à son panthéon personnel comme Youssuf Karsh ou Roy de Carava. Dans lmes deux ensembles si les passe-partout sont semblables chaque tirage est produit à la taille de l’original, puisqu’il s’agit toujours de repenser les images à travers une archive.

L’aspect ludique et cultivé de ces propositions ne doit pas masquer le caractère plus engagé notamment envers les sciences humaines et plus directement le freudisme revu par l’image. Dans un ensemble de 1996 réalisé avec son ami Bill Parsons il se fonde sur le chef d’œuvre d’Hitchkock pour que sa relecture séuencée procède à une « Psycho-analysis ».

Mais la série la plus apte à éclairer ses pratiques citationnelles et appropriationnistes nous conduit en 2010 « Before photography », comprenez avant que le petit Chuck ne se dévoue à la prise de vue en laissant la responsabilité au pater familias. L’image inaugurale est un portrait d’amour du père prenant sa femme pour modèle. Mais l’auteur ne déroge pas à son goût pour l’auto-dérision confirmé par où il s’assimile à la figure du photographe dans toutes sortes de films sous le titre « Chuck goes to the movies ».

Deux vidéos construites à partir de film stills et de séquences d’auteurs parlant de leur production sont mêlées avec les derniers mots du père mourant faisant office de reconnaissance et d’héritage autorisant le fils à incarner pleinement son œuvre.
Elle voit le photographe entrer de plein pied dans l’histoire avec humour et intelligence.