« Confess » de Trina McKillen une oeuvre utile et forte sur les abus sexuels

En visitant le château La Coste en Provence on peut découvrir les propositions dans la nature de divers architectes, sculpteurs et plasticiens contemporains de renommée internationale. Mais cet été l’attrait du lieu est balancé par l’expo temporaire d’une artiste irlandaise Trina McKillen pratiquant la sculpture dans de complexes installations pour dénoncer les abus sexuels sur les enfants de la part de certaines autorités catholiques.

Le château La Coste au Puy Sainte Réparade non loin d’Aix en Provence est célèbre auprès des connaisseurs de vin autant que des amateurs d’art. Tadao Ando a conçu le Centre d’Art dans une orchestration de lumière et d’espace dans la nature. Une vaste étendue d’eau offre un miroir à la construction principale en forme de « V » faisant face aux vignes. Une immense araignée de Louise Bourgeois y accueille le visiteur. Celui-ci peut s’offrir une promenade de deux heures dans la nature à la découverte des nombreuses créations d’architecture et de sculpture, dont celles du maître japonais mais aussi de Frank O. Gehry , Jean Nouvel, de land artistes comme Andy Goldsworth ou Richard Long. On peut aussi y découvrir une tombe à secret de Sophie Calle ou un fascinant monument Psychopompe de Tunga. Au milieu de toutes ces oeuvres monumentales et principalement minimalistes le centre d’art créé par Renzo Piano accueille l’ensemble Confess de Trina McKillen.

L’artiste est née en 1964 à Belfast en Irlande du Nord, elle a étudié au National College of Art and Design à Dublin, diplômée en Fine Art Sculpture. Depuis sa sortie du College en 1989 elle vit et travaille à Los Angeles. Elle a subi toutes les violences de la guerre civile, son père homme d’affaires catholique respecté avait engagé des négociations de paix avec les Britanniques. De ce fait la maison d’enfance de McKillen a été saccagée, des bombes ont explosé devant sa porte. Elle rapporte qu’adolescente, elle a rendu visite à une amie dans le service psychiatrique d’un hôpital de Dublin qu’elle a trouvé recroquevillée en position fœtale, presque comateuse au pied de son lit. Elle a alors appris que son amie avait été violée dans son enfance par un oncle, un prêtre catholique respecté.

Au Château La Coste elle présente Confess en trois installations, pour questionner de façon implacable les abus sexuels et leur dissimulation par l’Église Catholique souhaitant ainsi rendre la parole aux victimes en rendant visibles leurs souffrances.Un imposant confessionnal transparent, où le bois, l’or, le marbre et divers métaux se mêlent au verre inverse les rôles du prêtre et de l’enfant comme en témoigne le titre Bless me child for I have sinned, (Bénis moi mon enfant car j’ai pêché). Le coussin réservé à l’ecclésiastique est composé de 3600 clous. D’autres symboles ornent le monument expiatoire comme ce trou de serrure dans lequel est enroulé un serpent. Le siège de l’enfant confesseur est composé de dentelles.

Dans chaque espace latéral à la salle principal, une autre installation déploie les arguments de défense des victimes d’abus.La série The children, 2015 – 2019 s’organise en défilé devant d’amples rideaux de velours rouge qui recouvrent les murs. Une parade d’habits d’enfants de chœur usagés et de robes de communion collectionnées par l’artiste sont suspendus par d’invisibles fils de nylon. Dans un entretien avec le National Catholic Reporter l’artiste déclare :
« Il était évident pour moi que le pape et le clergé ne voyaient pas ces victimes comme des enfants (…).Quand j’ai commencé à assembler ces vêtements, j’ai eu l’impression de m’occuper des enfants. Lorsque j’ouvrais chaque paquet de vêtements, je ressentais une vague de tristesse. Puis je les lavais et repassais tendrement et je m’en occupais ».

Sur le poitrail de chaque vêtement est brodé le motif du trou de serrure dans lequel se love un serpent déjà remarqué sur une des charnières du confessionnal.L’étroitesse de l’espace amène le visiteur à frôler les vêtements enfantins et les fait se mouvoir lentement dans l’espace, semblant reprendre vie.

Dans l’espace symétrique la série Stations of hope, 2008 – 2013 reprend en l’adaptant le vocabulaire religieux puisque le mot station est utilisé pour les différents arrêts du chemin de croix.Elle y ajoute la possible résilience de l’espoir ; A l’origine de ce travail correspond un temps de récession de la maladie dont a souffert Trina McKillen , dans le même organe de presse elle en témoignait ainsi :
« je voulais faire ces petits carrés avec du lin irlandais de Belfast qui venait de ma maison où j’ai grandi. Puis j’ai réalisé qu’ils ressemblaient à des cataplasmes comme ceux que mon père faisait, des pansements qui faisaient sortir la douleur, l’infection, la blessure. Je pense que je les fabriquais pour moi, pour former une sorte de thérapie cathartique. »

Dans une boite en bois différents petits coussins blancs sont cloué sur un fond de tissu. Sur deux d’entre eux on peut lire les mots brodés Good (Bien) et Sin (Péché) Les 14 cadres sont alignées dans la pénombre éclairés en leur centre par un faible faisceau lumineux.

Un dernier espace reçoit les dessins préparatoires, la maquette du confessionnal et diverses coupures de presse qui donnent corps à tous ces faits divers trop souvent ignorés ou minimisés par la hiérarchie catholique.

Cet imaginaire de l’enfance abusée et doublement victime du fait de la négation de ces méfaits est aussi abordée par l’artiste dans ses petits tirages noir et blanc qui scénarisent des figurines, des éléments de jouets ou des habits de poupée pour sensibiliser notre regard sur les atteintes au corps infantiles. Le bâtiment de Tadao Ando en accroche quelques uns pour nous préparer au choc visuel des trois installations principales.