La dimension critique du réseau

Revue d’art depuis 2006

Confirmations et découvertes (notamment féminines) du Bauhaus-Photo

Quoi de plus légitime qu’une école d’art et de design pour célébrer le centenaire de la création du Bauhaus, l’ESAD d’Orléans s’y consacre en cette fin d’année. Trois enseignants , Gunther Ludwig, Laurent Baude et Paul de Lanzac et un groupe d’étudiants ont conçu cette exposition en liaison étroite avec le Bauhaus-Archiv /Musée du design de Berlin. Cette collaboration mise en place avec madame Kristin Bartels, commissaire d’exposition de cette institution, permet la présentation d’une centaine d’oeuvres sélectionnées parmi les plus de 70000 photographies de la collection. Retrouvailles avec des oeuvres importantes de l’histoire du médium et découvertes d’auteurs moins connus sont accrochées dans une scénographie très maitrisée.

Rappelons que le Bauhaus a été fondée à Weimar par l’architecte Walter Gropius en 1919. L’ école qui se voulait consacrée à l’architecture et aux arts appliqués a constitué un évènement majeur des rapports entre l’art et la société qui a influencé de nombreux champs artistiques jusqu’à ce que les nazis la ferment en 1933. La volonté de son créateur est d’organiser une communauté de travail sur le modèle des loges médiévales regroupant des artistes, des architectes, sculpteurs et artisans divers. Une autre source d’inspiration pouvant résider dans le mouvement anglais Arts&Crafts, actif de 1860 à 1910.

Le bâti architectural y était central : il coordonnait le design de meubles, et de créations d’objets du quotidien de tous ordres destinées à figurer dans les édifices conçus par les architectes . La photographie a d’abord été liée au département de publicité afin de promouvoir les produits du Bauhaus, ce qu’à l’époque on appelait des réclames. La photographie a d’abord constitué un outil de documentation.

C’est l’arrivée de Lazlo Moholy-Nagy (1895-1946 ) en 1923 qui a modifié cette pratique, en y apportant la philosophie de la Nouvelle Vision. Il est accompagné de sa femme Lucia Moholy ( 1894-1989 ) qui intervient comme sa principale collaboratrice en tant que technicienne de prise de vue . Elle occupe le même poste de 1925 à 1928 après que le Bauhaus ait déménagé à Dessau.

La continuité de cet enseignement a été assurée par Walter Peterhans (1897-1960) qui avait étudié la philosophie et l’histoire et qui a donné ses cours de photographie entre 1929 et 1933.L’exposition de l’ ESAD montre quelques une de ses créations ainsi que celles d’un certain nombre de ses étudiants et étudiantes. C’est aussi l’occasion de découvrir des membres féminines de cette communauté comme Kattina Both (1905 – 1985), surnommée Katt Both, architecte et photographe, Irene Bayer-Hecht (1898-1991) épouse d’Herbert Bayer ou Grit Kallin-Fischer (1897-1973).

A ce sujet la visite de l’exposition doit s’accompagner de la lecture du livre Bauhausmädels, publié cette année par Taschen avec une introduction de Patrick Rössler, Les filles du Bauhaus pionnières de la modernité. Ce sera l’occasion de prendre contact avec d’autres oeuvres à découvrir , celles de Gertrud Arndt, Zsuzsanna Banki,,Marianne Brandt, Judit Karasz, Ricarda Meltzer, Annje Urias. Gertrud Wysse Haegg ou Michiko Yamawaki.

On est heureux sinon de retrouver des oeuvres célèbres comme celles du couple Moholy, de T. Lux Feininger ( 1910-2011 ) ou d’Herbert Bayer ( 1900-1985). Si le Bauhaus a renouvelé la photographie de produit, pour de nouvelles natures mortes ustensilaires (comme aurait dit Bernard Lamarche-Vadel), s’il a fondé avec ses diagonales dynamiques, ses perspectives extrêmes et autant d’astuces techniques l’image moderne de l’architecture, il a expérimenté les relations entre photo performance, fêtes somptueuses et spectacle vivant avec les premières photographies performatives.

Mais l’exposition orléanaise prouve aussi que l’un des genres traditionnels qu’il a le plus renouvelé reste celui du portrait et de l’autoportrait, nous permettant de nous familiariser avec les visages de tous les acteurs d’origine internationale, partie prenante du mouvement. Les nombreuse vues illustrant « La vie au Bauhaus » mettent à l’honneur le singulier mode de vie et de travail , alternant, créations, fêtes et moments quotidiens de la communauté au travail dans les ateliers.