Le MAIF Social Club vient d’ouvrir en plein cœur du Marais et du 7 novembre au 15 décembre il accueille le public pour des minilabs gratuits qui permettent sur simple inscription de s’initier au numérique, aux pratiques collaboratives digitales, au cirque, à la danse et à l’Expérience de l’autoportrait avec l’artiste espagnole Cristina Nunez qui expose aussi dans ces locaux tout neufs son travail d’une si belle exigence.
Le parcours de vie de Cristina Nunez commencé dans son Espagne natale l’a confronté à des réalités difficiles, grands parents trop proches de Franco, parents séparés, drogue et ses conséquences, elle en témoigne avec un grand souci de vérité dans sa vidéo Someone to love présentée au MAIF SOCIAL CLUB à côté de ses autoportraits et de ceux qu’elle fait réaliser lors de ses workshops. Partie pour l’Italie elle y vit avec un photographe avec qui son travail se trouve bientôt en concurrence. Après d’autres séparations et de multiples péripéties elle comprend que la photographie es l’outil d’affirmation identitaire dont elle a besoin en tant que femme mais qu’elle souhaite partager. Un premier autoportrait où elle tente d’extirper son mal être à l’aide du déclencheur automatique lui fait ressentir une grande libération interne. Sa méthode de la Self portrait Expérience était née.
Dans des ateliers individuels ou collectifs elle présente d’abord sa démarche grâce à ses vidéos comme Higher Self (Un moi plus élevé : augmenté dirait on comme la réalité ?) ou La vie en rose où elle se montre avec tous ses défauts dans le but affirmé de rencontrer enfin l’amour de sa vie. Ne manquant pas d’humour et d’autodérision elle souhaite dans le face à face du studio entre la personne qui se photographie et l’appareil lui permettre de laisser dialoguer son inconscient et celui de la camera. Elle même se retire pendant la prise de vue pour faciliter cette alchimie visuelle. En préambule à la prise de vue elle a demandé au modèle de chercher à exprimer la douleur, la rage , la terreur ou le désespoir ,un sentiment négatif en tous cas. Revenant pour commenter les images avec la personne qui se trouve souvent surprise par le résultat elle lui permet de passer de la première personne à la troisième, du je au il ou elle.
Une soirée de rencontre était organisée où une table ronde réunissait l’artiste, Ruth Nahoum art thérapeute qui intervient entre autre à l’INECAT dirigée par Jean-Pierre Klein, Anna Konrad, psychanalyste et Christian Gattinoni rédacteur en chef de notre revue qui avait avec David Gauthier décerné le prix Voies Off lacritique.org à Cristina en 2013. Ce fut l’occasion d’affirmer cette pratique comme l’anti-selfie, l’importance de la médiation dans l’acte photographique ou la plasticité de notre identité. Alors que beaucoup de ces autoportraits se font nus il n’y a jamais d’impudeur, trop concentré sur leur moi intérieur il n’est jamais question de désir ni de séduction, et à aucun moment le spectateur ne s’en trouve voyeur.
Si elle a réalisé plus de 4000 séances de prises de vue depuis 2008 , dont plusieurs dans des prisons en Italie ou en Suède, ce qui en ressort c’est cette beauté baroque de visages et des corps qui correspondent à des canons de passions humaines qui rejoignent la grand tradition picturale.