Déjà exposé au Musée de la Halle Saint-Pierre à Paris, à la biennale de Venise, cet artiste autodidacte qui vit et travaille à Crest (Val de Drôme) a suscité l’intérêt de collectionneurs prestigieux. Sa faconde a été stimulée par l’idée de Jean Dubuffet prônant une entière liberté de création – celle de » l’homme du commun à l’ouvrage », suivant laquelle il s’est mis à produire intensivement des collages réalisés à partir des cartons qu’il récolte pour leur redonner sens et vie.
Le travail artistique de Nicolas Z. part d’une forme et d’un matériau trivial qui est mis au rebut. Ce sont des boîtes de format divers, souvent en carton ondulé brun, parfois blanc, qu’il déplie pour en faire le support de collages ou qu’il replie autrement pour les superposer. Il a constaté que lorsque l’on dépliait une boîte en carton dont on avait d’abord, afin d’obtenir un volume adéquat, prélablement découpé une forme avec des rabas formant comme des ailes, la mise à plat de ce schéma formait toujours la même figure, celle d’une croix. Une forme symbolique qui s’impose d’un seul coup d’oeil. D’où ces crucifixions, fictions drôlatiques qui viennent occuper cet espace cruciforme vide, des figurations par collages qui s’écartent de la dramatisation traditionnelle de la represéntation du Crucifié.
La croix reste une forme symbolique prédominante dont le sens persiste à une époque où le religieux (du moins chrétien) semble laissé de côté. Ces croix sont-elles des pastiches ? Doit-on les comprendre comme des désacralisations ? On doit plutôt s’interroger sur le procédé qui est à l’oeuvre. Dans quelle mesure l’artiste vient-il animer de contorsions saugrenues un monde où le consumérisme entasse sans les garder, ni même les regarder, les boîtes de tout format qui enveloppent des objets acquis en nombre ?
Hereuxcyclage poétique
Si les croix omniprésentes dans son travail retiennent l’attention, Nicolas Z. généralise son geste salvateur de recyclage en donnant une valeur au carton ondulé, ce matériau pauvre, qu’il plie, déplie, superpose et parfois, colore de mutiples façons. Avec ce procédé, l’artiste tend à nous réapprendre à voir les objets les plus délaissés. De même que Jacques Villeglé nous a appris a regarder des affiches déchirées, vestiges du consumérisme publicitaire, les tas de cartons d’emballage pliés pour être recyclés prennent soudain une valeur à la fois émouvante et cynique – car ils nous confrontent aux “déchets de la production industrielle menacés par la destruction” (J. Villeglé).
Faire revivre autrement ce matériau basique devient alors une opération magique qui en inverse la valeur, lui confère un attrait inattendu et “transfigure le banal”, comme le notait Arthur Danto à propos du Pop Art.
Nicolas Z. n’est pas le seul à faire vivre ce matériau, mais d’autres – comme Eva Jospin – l’annoblissent au point de le faire oublier. Alors qu’on assiste avec son travail à l’intrusion d’une réalité bassement matérielle en même temps qu’à son assomption dans un devenir-oeuvre qui ne le transfigure cependant pas tout à fait.
La neutralité quasi invisible du brun-beige du carton ondulé est sublimée par une recherche formelle et parfois recouvert par l’éclat de couleurs à l’harmonie raffinée. Amateur de formes abstraites ou au contraire révélateur de symbolismes élémentaires, l’artiste expérimente toute une gamme d’interventions de divers formats. Lui-même nomme ce geste d’appropriation créatrice un “heureuxcyclage poétique”. Un principe de plaisir omniprésent éloigne son geste de l’arte povera. Il a pour conséquence de réenchanter notre quotidien.