Damien Bénéteau, plasticien de la lumière

Formé à la photographie, Damien Bénéteau transpose le processus de capture de la lumière dans le genre sculptural. Dans ses œuvres, la mise en tension du volume, du mouvement et de la lumière sert la définition d’une plasticité plurielle, modelant autant la matière que le champ du visible. Empruntant ses références à la sculpture minimale comme à l’op’art et au néo-opticalisme, il en retient l’esthétique géométrique, la sobriété et la simplicité apparente. Ses mobiles monochromatiques affichent ainsi une neutralité délibérée, une certaine froideur mécanique, compensée par l’étrange profondeur de la surface et l’élégance de la structure. Le mouvement cyclique qui les anime, balancier ou oscillatoire, s’associe aux assemblages internes de diodes électroluminescentes pour faire de ces sculptures, d’un noir hermétique, de véritables événements visuels, aux infinies nuances.

Cherchant l’effet d’optique plus que l’illusion, Damien Bénéteau déploie un vocabulaire plastique, fait d’interstices, d’ombres, d’ellipses ou de halos, qui motive chez le spectateur une métamorphose du regard. La sculpture de la lumière permet en effet de dévoiler les angles morts des volumes ou d’en inverser les contrastes de manière à faire apparaître de nouvelles formes, à ajouter des teintes et des dégradés, à redéfinir les reliefs et les profondeurs. Le revêtement noir mat fonce le contraste avec la luminosité très dense des LED blanches, produisant dans le regard des effets de persistance rétinienne et d’aura. Damien Bénéteau procède ainsi à une double opération de révélation-fixation de ces traces impalpables qui président à la visibilité.

La répétition hypnotique et le jeu continu de voilé-dévoilé disposent le spectateur à un état contemplatif, propice à une méditation sur le temps. En ouvrant sur le champ évocatoire du corps céleste, du pendule ou du métronome, ces mobiles au mouvement perpétuel organisent subtilement le passage du présent historique, suspendu dans la rencontre avec l’œuvre, à celui d’un temps astronomique, renvoyant au macrocosme. Supports à projections, les sculptures de Damien Bénéteau font sensiblement signe vers l’inexorable écoulement du temps et la conscience de son éternel retour. Le plasticien n’hésite d’ailleurs pas à jouer sur le double sens de la gravité, renvoyant la loi physique à son interprétation affective, la dynamique de la nature à la solennité qu’elle impose.

La série des « Variations », dont deux œuvres sont exposées, repose sur un principe de balancier, dont le rythme est déterminé par le poids propre à chaque volume. Thématique transversale, commune aux mathématiques, à l’astronomie, à la biologie et à la musique, la variation indique un écart, une manière de différer par laquelle la sculpture animée fait ainsi valoir sa singularité. Evoquant furtivement les contours d’un haut-parleur, d’une note ou d’un métronome, ces sculptures ponctuent la musique du temps qui s’égrène et l’écho de sa pulsation organique.

Avec les Reliefs, Damien Bénéteau expérimente un dispositif formel radical, remontant aux racines de sa démarche. Ses monochromes noirs sur tôle font en effet dialoguer volume géométrique et dégradé de lumière pour donner au matériau une plasticité en mouvement. Chaque Relief laisse ainsi apparaître en son centre un disque légèrement incurvé ou au contraire bombé qui se détache à peine de la surface, installant une différence de perception minimale au cœur de la matière. Mais alors que dans ses travaux précédents, les transformations optiques étaient portées par des dispositifs lumineux et mécaniques internes à la sculpture, Damien Bénéteau compte ici sur la circulation du spectateur autour de l’œuvre pour activer une vision dynamique qui en dévoile les infimes variations. En travaillant l’inframince, l’événement tout juste perceptible, il met ici en branle l’imagination et la sensorialité du spectateur, plongé dans les interstices sculpturaux et picturaux qui se créent sous ses yeux.

La série « Monolithes », dont Damien Bénéteau présente la première pièce, se concentre sur le travail de la surface plane et rompt avec l’utilisation du balancier qui prévalait jusque là dans sa démarche. En jouant cette fois sur le mouvement d’un anneau excurvé, porté par deux fines tiges, Damien Bénéteau sculpte un iris sphérique qu’il place quasiment au centre de ses parallélépipèdes. Les transformations produites par la lumière, poussées jusqu’à faire perdre de vue sa source réelle, s’accompagnent d’un léger bruit, amplifié par résonance, conférant aux œuvres une présence manifeste. Non sans rappeler le mystérieux totem kubrickien de 2001, L’Odyssée de l’espace, chacune de ces stèles noires, corps brut et lieu d’intrigue, oscille ainsi entre puissance de séduction et mise à distance inquiétante.