Faute de relire une énième théorie du nuage ou de faire retour à une expérience artistique aussi ancienne que celle consignée par Léonard dans ses « Carnets » qui n’installerait que le pré-sentiment de l’instantané d’un visage en apparition les photographies ici présentes à notre contemplation nous soumettent à une certaine tenue du regard.
Certes on peut alléguer d’une expérience de la prise de vue dont la décision serait immédiatement précédée de ce qu’un certain art japonais évoque comme un exercice du regard flottant, mais cette appréhension fugace, dans son indéfinition où l’acte photographoique se résoud parfois en pratique straight au formalisme nomade n’a rien à voir avec l’exigence de cette confrontation. Ces « Origènes » que Claude-Charles Mollard ramène de sa rencontre avec les formes de la nature ne relève pas non plus d’une tradition still life psychologisante.
Philosophiquement ce travail ne se situe donc pas à la remorque numérique d’une pensée image du « presque rien » et du « je ne sais quoi »à la Jankelevitch, , non plus que , comme pourraient nous le faire croire les sujets apparents, dans une version tirage jet d’encre des rêveries bachelardiennes.
La tenue du regard qui invite plein cadre ces créatures que l’auteur nomme « Origènes » a l’exigence de l’altérité telle que Lévinas nous y a intitié dans tous ses écrits. Initiation est bien le mot dont nous devons nous servir pour rendre compte de nos usages de ragardeur face à ces anthropo-faces qui nous dominent dans leur matité régnante et apaisée, même si leur seule existence iconique nous oblige à fouiller dans notre plus archaïque fond d’humanité non triomphante.
Dans cette démarche que Claude Mollard nous impose je ressens soudainement la proximité avec certains processus mis en place par le Dieter Appelt des années 80 et 90, même si le véhicule sensible de l’artiste allemand est avant tout son propre corps. Tous deux tentent de renouer par l’enregistrement phootgraphique avec des sentiments archaïsant remontant à une pré-histoire de la rencontre face-à-face, fondement de l’humanité dans sa peur, puis dans son acceptation de l’autre.
Si le concept de visagéité a été avancé par Deleuze à propos de Keichi Tahara, Claude-Charles Mollard en réactive les principes et ce avec une pratique totalement numérique, sans trucage ni déformation, dans le cadre opératoire de l’écran du viseur tenu à distance de l’oeil. Le tirage lui aussi numérique exacerbe les matités sur un papier dont la présence rend bien compte de la matérialité naturelle de ces êtres com-possibles à l’homme.
Ces créatures tiennent à distance le bazar idéologique des créatures gore pour écran géants de la toute fin catastrophique de l’ère bush, où l’autre dans sa différence absolu incarne plus que jamais le Mal qui menacerait la civilisation dite internationale des statu quos moindialisés à coup de guerres et de globalisation marchande.
Chacune de ces créatures dans son identité très définie dans sa localisation par le légendage correspond à une civilisation lointaine menacée jusque dans son existence maiis qui survit en oeuvre loin des compromis envisagés par Paul Virilio comme la glocalisation, mais bien dans une réécriture d’une pré-histoire des visages approchés à proprement parler comme des sur-faces.