Si les écrits théoriques spécifiques sur la danse, après ceux sur la photographie, se sont multipliés depuis trois décennies, aucune étude ne s’employait à établir les liens des deux en tant que disciplines co-dépendantes. Michelle Debat docteur en esthétique s’y attache avec une rigueur critique qu’elle avait à ce jour développé dans le champ de l’art contemporain photographique.
L’originalité de son approche consiste à ne pas seulement envisager les relations duelles qui peuvent exister dans les seuls rapports d’illustration et d’archivage où l’on attend la dépendance de l’une envers l’autre. Sa connaissance approfondie de la photographie dans son histoire comme dans se sproductions les plus récentes lui pêrmet de l’envisager comme un objet conceptuel pour approcher danse et chorégraphie puisqu’elle distingue justement les deux.
Le photographe est considéré comme sujet dansant, en proie à l’errance ou à la flanerie, en quête d’une impossible. Le premier des deux concepts est abordé dans une métaphore via des pratiques comme celles du Raymond Depardon d’ « Errances », pas encore devenu artiste officiel,donc ou de Bernard Plossu le grand nomade de l’image directe et de la photo povera.Ces œuvres se trouvant mises en relation directe avec des pièces chorégraphiques comme « Déroutes »de Mathilde Monnier prennent toute leur puissance opératoire.
Le chapitre sur le flâneur trouve son efficacité dans une relecture de l’histoire du medium qui prend en compte les gestes du temps depuis la chronophotographie jusqu’à des pièces conceptuelles de Klaus Rinke ou Patrrick Tosani. Celles-ci fournissent aussi tous les éléments comparatoires dans le domaine du spectacle vivant. Cela permet à l’auteure d’étudier ensuite les singuliers arpentages scéniques de Raimund Hoghe dans la construction d’intervales entre la scène vide carroyée d’objets de première nécessité, opposition redoublée par celle de son corps atteint de mal-formation face à ceux de ses danseurs de haute taille.
Un autre concept porteur est celui de tableaux vivants expérimentés aussi bien sur le fond de boite noire par Edouard Levé que dans le white cube scénique de Xavier Leroy. Si dans tous les acas se pose la question de la modélisation, ce qui se trouve en régulation reste bien plus en jeu la façon dont elle vont mettre en place une trahison de ces modèles plus que leur perpétuation.
Dans les deux disciplines se manifeste alors consécutivement le même rapport à la mort « toutes deux épreuves de l’impossible regard retrouvé ».Elles se donnent alors la même tâche la remise en mémoire de souvenirs connus mais non vécus.
Le troisième concept majeur étudié ici repose sur la distinction entre orthèse et prothèse comme compléments corporels, là aussi en recherche moins d’une fonctionnalité que d’une nouvelle impossible mise en image, celle des « dessins du temps » où danse et photographie sont des arts de la projection qui dessinent le temps à travers l’image.
Il est appréciable que cette brillante démonstration s’appuie dans les deux domaines aussi bien sur des œuvres majeures abordées au même titre que celles d’artistes moins connus mais dont les développements méritent ici d’être exemplarisés que ce soient les photographies de Laurent Dejente, les vidéo de Laurent Goldring ou les chorégraphies de Myriam Gourfink. Si la plupart des exemples sont spécifiques la fin de l’étude aborde aussi des œuvres mixtes d’où les technologies ne sont pas exclues.