David Mesguich ou le voyage de la « séparation » des territoires

Ce jeune dessinateur né à Villeurbanne qui vit et travaille à Paris, expose à La Maison des Arts de Malakoff et présente sa dernière série de grandes aquarelles et des dessins au feutre réalisés à son retour d’Israël. « Le travail que je mets en avant dans cette exposition est le résultat d’un parcours qui a pris lieux sur le territoire Israélien au cours du mois d’août 2009, théâtre de tensions identitaires enlisées. »
Dans le cadre de ce projet, le premier moment de son processus déambulatoire a débuté à Tel-Aviv et s’est achevé dans deux villes défigurées par un mur, Bethléem et Jérusalem.

Le point de départ de l’exploration ; la rue, un bus, une station de métro et David Mesguich s’arrête au hasard, accompagné d’un appareil photo et d’un carnet de notes, il écrit les traces de son cheminement.
Signaux et formes qui apparaissent dans la ville vont l’attirer, en particulier ceux qui délimitent les espaces.

« Chaque élément participe à un vocabulaire, j’y vois des phrases, des dialogues. Lorsque je suis une frontière ou franchi un grillage, je me sens autant dans mon élément qu’en danger et c’est ce paradoxe qui m’attire vers ces lieux. Je m’intéresse davantage à tout ce qui est contraignant dans l’espace urbain, l’aspect carcéral, le contrôle intimé à travers les panneaux de signalisation et la publicité. Dans mon travail je tente d’approcher au plus prés la vérité de ces espaces. Ce que l’on constate au fil de l’actualité c’est cette perpétuelle évolution de la restriction des libertés individuelles. » Tel est le questionnement de l’artiste au départ.

« Dans mes dessins, il n’y a jamais d’élément vivants ni d’horizon. Pourtant l’empreinte de l’homme est omniprésente à travers les traces et les modifications radicales qu’il inflige à son environnement et à ses contemporains »

Alors qu’il fait ses prises de vues en couleur in situ , David Mesguich réalise de monumentaux formats en noir et blanc ; la chose qui compte le plus à ses yeux dans la recherche photographique c’est la composition de l’image.
« L’aquarelle me permet de développer mes photos et mes notes écrites avec précision. Le dessin peut sembler n’être qu’une simple reproduction de la photo, alors que celle-ci n’est dans le process qu’un point de départ »
Ce qu’il aime c’est : « cette fragilité de l’encre noire, cette simplicité de l’eau. C’est la main seule qui affronte la difficulté. Je n’utilise pas d’outils conventionnels pour l’aquarelle, j’utilise des outils de maçon ou encore des spatules de nettoyage industriel pour mes lavis par exemple »
Il se situe aux antipodes des aquarellistes dits « classiques », faisant usage d’outils contemporains pour une technique ancienne dont résulte une écriture singulière.

« Je conçois chaque trait comme une entité, aucun ne doit être superflu. Mes dessins sont des architectures, des assemblages d’entités, de traits qui ne servent que leur sens. La feuille blanche c’est l’espace vierge, le vide, le dessin est un volume qui vit dans un espace neutre … » Il quitte délibérément la perspective classique du point de vue frontal, et choisit un angle de vue propre aux lieux. « C’est dans le déséquilibre que se fait l’harmonie » ; vue plongeante , horizon inexistant, au ras du sol ou du haut d’un immeuble, autant d’angles qui amènent le travail de David Mesguich quelques fois à proximité de l’abstraction.

Sa dernière aquarelle qui représente une piste d’atterrissage dont la perspective est brisée est la conclusion de son voyage.
Jusqu’en 2008, il donnait des titres à ses œuvres comme une légende, « ils enfermaient l’image », il décide alors de nommer ses œuvres autrement, et à l’aide d’un outil GPS, il note désormais les coordonnées géographiques des endroits où son prisent les vues. Ainsi naissent les titres.
Dans la première salle de la Maison des Arts, un accrochage éclaté, constellation de 44 formats A3 au feutre souligne l’impression pesante ressentie durant ce voyage.

La scénographie de cette multitude de dessins petits formats qui représentaient beaucoup de matériaux n’est pas sans sens. L’artiste a modélisé lui-même la salle d’exposition en 3D, il a créé 44 formats de carrés noirs en A3 qu’il a disposés dans cet espace 3D, puis pour que l’accrochage ne soit pas éclaté par la multitude, il a refait la composition et a placé les dessins un à un jusqu’à trouver la bonne combinaison, qui fait participer le spectateur a ce voyage étonnant tant plastique que physique entrepris par l’artiste.