Olivier Roche né en 1972 est un photographe havrais qui exploite toutes les ressources du paysage et de l’architecture. Il a récemment suivi le chantier du futur centre des congrès de sa ville et de son parc des expositions le « Carré des Docks ». De 2012 à 2015 il a documenté le chantier artistique et architectural de la rénovation de l’espace Oscar Niemeyer. Ce lieu emblématique de la culture normande doit donner naissance à la future bibliothèque du nom de l’architecte et à une Scène Nationale transformée.
L’ensemble de ces images constitue la matière de son livre « De béton et de lumière » dans une mise en page très soignée de Frank Marry.
Earthmoving s’attache d’abord au site dans des périodes d’arrêt des travaux, les images exaltent l’aspect organique des engins de chantier au repos autant que les paysages temporaires que l’on peut observer sur les remblais, terrassement et voies d’accès. Le photographe est intervenu sur ces zones les week-end et jours fériés, privilégiant les lumières douces, sans ombres marquées. Cette première partie constitue une sorte de catalogue morphologique des outils et matières de base qui vont ensuite par leur interactionpermettre les interventions aptes à les traduire dans de nouvelles formes, pour d’autres usages.
Cette revendication matiériste peut être rapprochée d’une autre série d’Olivier Roche présente sur son site son Hommage à Gustave Le Gray réalisé grâce à des sténopés numériques. En fin de livre un ensemble graphique traduit l’ensemble d’images en une grille d’autant de nuances de béton sur lesquelles sont indiquées les dates de prises de vues.
Quatre ensembles d’images sont présents dans cette seconde partie, les deux premières concernent la scène nationale, les deux autres la bibliothèque. Chacune aborde ces lieux en noir et blanc et en couleurs. Les deux espaces étant pour des question de sécurité éclairés par des halogènes de jour comme de nuit l’ensemble des images bénéficie de cette lumière ambiante. Généralement ces clichés sont beaucoup plus contrastés, les ombres portées y sont fortes et les couleurs plus tranchées comme l’écrit dans sa préface Edouard Philippe, ex-maire du Havre :
« Son regard tantôt crépusculaire, tantôt ébloui raconte une œuvre architecturale par ses entrailles. »
L’objectif à décentrement utilisé permet d’obtenir des rendus de champs monumentaux sans les déformations outrées du grand angle. Le bâtiment, sa mue et sa transformation sont abordés dans le respect du geste architectural. La rénovation de l’Espace Niemeyer, la transformation de la scène nationale comme la création de la future bibliothèque sont ainsi sensuellement illustrés dans leur majesté.
Ce livre sort en même temps que l’exposition Lucien Hervé, bâtisseur d’ombres à la galerie Maubert. Le photographe privilégié de « Corbu a aussi travaillé avec Oscar Niemeyer, pour approcher ces grands chantiers modernistes il en organise dans ses cadres les formes géométriques.
Les lignes sont minimales, le cadrage toujours rigoureux. L’exposition montre le complément humain là où Olivier Roche dans son livre privilégie le matériau (une seule image laisse apercevoir deux travailleurs derrière un voile de béton). Dans son second travail actuel, pour le « Carré des Docks » en dehors de quelques images les sujets principaux en sont les ouvriers du chantier. Contrairement à Lucien Hervé qui montre souvent ombre et silhouettes humaines en plans relativement serrés c’est la réalité corporelle des travailleurs qui est documentée en plans généraux. Dans son exigence d’approche du site, comme dans le soin apporté à ses tirages Olivier Roche apparaît aujourd’hui comme l’héritier de Lucien Hervé dont il a tiré les leçons en actualisant ses protocoles.