Depuis trois ans Dorothée Baumann documente à Genève le développement du laboratoire de recherche fondamentale « Brain and Bevahior Laboratory » spécialisé dans les neurosciences et la psychophysiologie. Ce pôle des Sciences Affectives étudie comment le cerveau produit pensées et émotions, comment il réagit aux stimulations sensorielles, stress ou euphorie, musiques, odeurs et images.
Reproduites, ces pures images seules éclatent de couleurs pour mieux piéger nos affects fagocités par leur clinquant. Les images des lieux et des dispositifs de tests qui en programment la combinaison avec nos comportements induits restent dans les valeurs binaires, de bleus et gris qui connotent leur froide vocation scientifique.
Existant depuis trois ans au sein de l’Université de sa ville d’études le « B&B Lab » sert de terrain d’appropriation à cette jeune artiste juste diplômée de la Haute Ecole d’Art et de Design. Son aventure photographique qui peut apparaître principalement documentaire se métisse de fiction dès lors qu’elle assume au compte de son projet les images des expériences. Elle en revendique les prélèvements plutôt arbitraires par un cadrage qui laisse entrevoir, hors champ, le continuum d’une planche-contact couleurs.
Sans autre information les légendes d’interminables listes de sujets potentiellement déclencheurs d’émotions et le mystérieux coefficient chiffré qui leur est attribué renvoient à des protocoles qu’on n’attribue pas toujours aux sciences humaines.
Le titre de la série nous rappelle que les impacts émotionnels de ces images vont du plaisir et de l’excitation à la domination, (Pleasure, Arousal, Dominance). Une version publiée de cet ensemble nous est proposée dans une collection de livres d’artistes intitulée hard copy, publiée sous la direction de Jean-Pierre Greff et le suivi éditorial de Delphine Bedel.
Le crash-test images se trouve reproduit au verso de constats des lieux, une page blanche intercalaire laisse un espace de recharge à l’imaginaire du sujet testé que nous sommes devenus en feuilletant l’ouvrage.
Devant les images à la froideur calculée on peut, au final, s’interroger si proposées à leur tour aux mêmes critères d’expertise, elles produiraient ou non des affects et lesquels. Une possible réponse serait à trouver dans l’invitation faite à Dorothée Baumann par le chorégraphe Michel Schweizer de participer à son projet )Domaines( où elle a exposé sa série accompagnée d’une performance avec Sévérine Garat autour des images IAPS (International Affective Picture System)reprenant le texte original des instructions de base qui accompagnent cette banque d’images. Il revendique sa participation au nom de son « rapport à l’altérité, à l’économie du vivant à la notion de communauté provisoire », ce qui oriente notre approche vers une dimension plus politique.
Actuellement elle expose cette série à Genève où pour renouer avec le scientisme de la fin du XIXe siècle elle propose d’effectuer grâce à des portraits polaroïds des photographies d’aura. Ces performances non dépourvues d’humour et de distance critique nous interrogent sur les dimensions de ces expériences sur nos comportements induits et la possible utilisation idéologique qui pourrait en être faite.