De l’hygiène du vivre

Certains livres sont plus énigmatiques que d’autres, plus poétiques aussi. Ils laissent après la lecture comme une sensation de voyage dans des rêves, comme l’impression que tout a été dit en silence. Hygée par Manu Rouxel, chez Saturne éditions, est de ceux-là. 

Hygée, dans le panthéon grec est la déesse de la santé, qui personnifie l’instinct de vie, celui qui nous sert à survivre à nos mortelles conditions.
Et de la vie, de l’hygiène mentale, il est question à chaque page de ce troublant objet. Pochette de carton, pages grand format, papier crème, on croise des images en écho à des fragments poétiques et vice-versa.
Une enfant aux mains baignées de lumière.
Des forêts floues.
Des escaliers aux lumières bleutées.
Encore une fillette, la même, en équilibre.
Et des mains, des routes et des chaussures.
Toute une vie qu’il ne faut pas oublier, parce que c’est elle qui nous forge, nous soutient.
Est-ce peut-être tout simplement ce qui nous aide à vivre, ou survivre ?

Puis il y a les mots jetés là comme des bouées, des amarres. 
« La parole.
      Et.
      Et,
 toujours,
    ailes. »
nous dit Manu Rouxel. La parole de ceux qui nous entourent, de ce qui nous entoure. Le murmure des forêts, les rires des enfants, les mots de nos compagnons, le bruissement des flammes. 
C’est ça qui aide à tenir le poids des jours, c’est notre hygiène mentale, cette nécessité de mettre à jour le quotidien par l’image, par les mots.

Hygée est une évidence. Vitale. 
Et Manu Rouxel nous révèle ce qui est primordial, devenant l’architecte des existences. C’est un chant d’amour, de peur aussi, d’espoirs mêlés aux angoisses de celui qui a autour de lui un univers qu’il ne veut ni oublier, ni voir disparaître.
Et qu’est-ce qui fait sens ? Qu’est-ce qui permet, au fond, à l’humain de se tenir encore droit, debout, vivant ?
Les mots, les rires, les sensations. Sensations de ceux qu’on aime, de la vie autour de nous. Rimbaud n’est pas très loin. 
Et tout cela revêt bien plus d’importance que tout l’or du monde. 

Manu Rouxel nous amène par ce voyage intérieur, par ce cheminement dans sa santé morale à reconsidérer, éventuellement, ce qui nous entoure.
Après tout, le bonheur ne tient-il pas dans la fragilité des instants fugaces ? Dans l’odeur du shampoing, des résineux, dans la chaleur d’un été, dans le ciel sans lune.
Le bonheur ne tient-il pas, surtout dans la nécessaire et évidente présence de ceux que l’on aime ?
Le bonheur ne tient-il pas dans les fragments du monde…