La dimension critique du réseau

Revue d’art depuis 2006

Denis Roche, vivant en mémoire

Un philosophe écrivain, un photographe et un tireur se réunissent pour un petit livre hommage à Denis Roche (1937-2015). Ce livre d’images est publié juste pour ne pas oublier de celui qui fut leur ami « …tout ce que l’on est et qu’un jour on ne sera plus, un corps, une silhouette, un visage, une démarche » comme le revendique Jean-Christophe Bailly au nom de Bernard Plossu et Guillaume Geneste.

Ce livret d’amour et d’amitié le montre avec ses amis co-fondateurs des Cahiers de la Photographie, le retrouve à l’occasion de sa rencontre chez Tchou son premier éditeur avec Bernard Plossu. Celui qui fut d’abord un poète quelque peu hermétique, acteur de Tel Quel, traducteur éclairé des Cantos d’Ezra Pound, fondateur de la collection Fiction&Cie au Seuil a rencontré la photographie sur le chemin abrupt séparant thanatos et sa « Louve basse » et l’amour de Françoise sa compagne incarnant éros dans ses « aller-retour dans la chambre blanche ».

L’un des premiers à théoriser de façon poétique la prise d’images et la forge d’écriture, Denis Roche a retrouvé l’inspiration poétique d’un Pasolini pour déplorer à sa manière « La disparition des lucioles ». A l’entre-deux de l’appareil ce « Boitier de mélancolie » et de la machine à texte il a créé cette forme singulière apte à rendre compte d’un événement intime ou d’un couple « L’antéfixe » entre le cut up de William Burroughs et le constat poétique d’un Francis Ponge.

Le déclencheur à retardement lui a permis ces autoportraits où il chemine vers celle qu’il aime, il a rembobiné le temps en doublant dans ses « Photolalies » les prises de vues sur leurs sites de voyages aussi intimes que marqués par les grands moments de la civilisation humaine et de l’histoire de l’art . La photographie a nourri de façon charnelle son écriture et il a su tenir ses deux pratiques au plus haut niveau d’exigence.

Guillaume Geneste témoigne de cette si étroite complicité entre l’artiste argentique et le tireur, l’assurance du but recherché dans ses tirages longtemps limités aux 30×40 dont il exigeait toujours la suavité des tons chauds. Ses galeristes du Réverbère 2 à Lyon ont toujours défendu cette pratique directe, « Dépôts de savoir et de technique » qui exploite tous les paramètres purement photographiques pour témoigner d’une relation spirituelle et amoureuse au monde, toujours à revoir comme à relire.