Des annonces faites au corps, danse et art contemporains

Les arts vivants et les arts plastiques aujourd’hui sont l’objet de nombreux métissages, le livre de Christian Gattinoni étudie les espaces nouveaux où sont actifs des corps singuliers qui revendiquent leur identité sexuelle et leur liberté de mouvement. Il s’agit de se déprendre des routines et images clichés et d’affirmer de nouvelles situations mixtes où le performatif va devenir moteur.

La collection Précursions a été confiée par l’éditeur Hermann Diffusion à Jean Pierre Klein, psychanalyste, référence française de l’art thérapie et homme de théâtre. Il revendique ainsi ses choix d’auteurs « Nous sommes dans l’urgence de la refondation d’un monde qui s’inspirerait de l’approche artistique de l’être humain global traversé par les forces vives de l’Ouvert, de l’individu redevenant être-au-monde. » Il s’agit de donner une tribune dans toutes sortes de domaines sociétaux, scientifiques ou artistiques à des éléments précurseurs. On peut y trouver des approches économiques comme celle d’Alain Gauthier Le co-leadership évolutionnaire – pour une société co-créatrice en émergence, ou une étude plus proche du directeur de collection Les Clownanalystes du Bataclown de Jean-Bernard Bonange et Bertil Sylvander avec une préface de Boris Cyrulnik. Christian Gattinoni a collaboré à plusieurs numéros de la revue publiée par l’INECAT, Art et Thérapie, il a dirigé avec Edith Viarmé celui consacré à Notre corps contemporain. Son essai prolonge son action à l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie où il mène depuis huit ans un séminaire de recherche autour de Danse, performance et arts plastiques.

Dans sa préface Paul di Felice enseignant-chercheur à l’Université du Luxembourg insiste sur le déplacement des corps « entre black box et white cube ». L’étude analyse en effet quelques images performatives historiques comme celle des Aveugles-nés d’August Sander ou Windfire , portrait de Thérèse Duncan d’Edward Steichen. Ces translations de la boite noire photographique au lieu institutionnel du musée constitue une première séquence. Pour les arts vivants sont convoqués des chorégraphes qui travaillent aux limites de la performance comme l’américain Daniel Linehan (Gaze is A Gap is A Ghost) ou Alban Richard (As far as). Des collaborations comme celle de Cécilia Bengolea et François Chaignaud donnent lieu à des spectacles où sont remis en question les rôles masculins et féminins dans une réelle débauche d’énergie.

D’autres propositions intermédiaires sont étudiées comme l’exposition Le sort probable de l’homme qui avait avalé le fantôme montée en 2009 par Christian Rizzo et Bernard Blistène à la Conciergerie de Paris dans le cadre du Nouveau Festival du Centre Georges Pompidou. Dans le même esprit l’installation multimédia Mues ( 2011) de N+N Corsino invite le visiteur à une navigation chorégraphique interactive. Plus complexe la scène multimédia de Dorothée Smith C19H28 02 (Agnès) nous initie aux protocoles de changement d’identité transexuelle.

L’étude se conclut sur des formes d’incarnation plus politiques. On peut y trouver les photographies, vidéo et installations de Frédéric Nauczyciel qui narrent les aventures de la communauté de Baltimore qui se donne au Voguing. Les performances publiques et chorégraphies de Steven Cohen qui se revendique « Sud Africain, blanc, juif et pédé » marquent d’autres transgressions.

La conclusion générale se porte sur les nouvelles plasticités sexuelles des corps qui voient plusieurs générations combattre en oeuvres pour toutes les formes du vivant.