Les « années 70 » la longue décennie d’un siècle court » est marquée par d’autres antagonismes ou contradictions que les commissaires de la Triennale de Milan mettent en avant au moyen d’une scénographie de musée sociétal quelque peu déjantée, avec à la charnière des deux niveaux, un corpus d’œuvres opérantes dans cette recherche historique et artistique. Vérification opérée dans la même ville par le dialogue Warhol, Beuys à la fondation Marzotta.
D’entrée aux corps blessés dans les luttes vernaculaires et internationales des nouvelles radicalités politiques s’opposent les jeux des découvertes corporelles issues de la mémoire enfantine quelque peu idéalisée mais qui ont l’intérêt de faire revivre des « je me souviens » visuels comme révisés par Georges Perec.
Si elle paraît longue cette décennie c’est qu’elle marque son passage dans une bruyante cohue sonore et colorée traînant à ses basques une ribambelle d’objets qui brinqueballent leurs formes populaires sous l’appellation récente design et dont le goût ne saurait être vraiment mauvais affublé d’une toute nouvelle étiquette kitsch.Bruit des batailles de rue, écho des radios libres, rengaine des juke-box où jouent les 45 t des premiers labels indépendants, tandis que résonnent les klaxon des fiat, mini-cooper et vespa qui tentent de recouvrir les rumeurs de l’Histoire.
Si les penseurs européens et américains qui prennent non seulement le pouls idéologique de ces changements mais en anticipient le malaise ne sont pas évoqués (exit notamment tous les tenants de la French Theory) le véritable pivot philosophique et idéologique de la décennie est à juste titre Pier Paolo Pasolini. Figure finalement son martyr annoncé par la boucle télévisée de son assassinat crapuleux est déjà contredit par sa création écrite, radiodiffusée et cinématographiée. Ce corps figural affirme parmi les premiers son identité homosexuelle et de nombreux artistes e »n dressent la légende.
Parmi ceux ci deux artistes dans la singularité de leur projet, une femme et un homme lui apportent réponse dans une exigence encore aujourd’hui non démentie. Jana Sterback en une courte vidéo se performe en artiste (comme « source d’énergie », se brûlant dans la matérialisation de son image un instant mise à nue.Quant à Chen Zhen il dresse sur une table transparente le mécano de cristal des organes internes, pour amorcer les prémisses d’un art qui soigne.
Les autres corps vacillent entre ces deux pôles, l’un de résilience, dialogue fragile des protagonistes de Pier Paolo Calzolari et hyperviolence du personnage bd-dessiné Ranxerox de Liberatore et Tamburini. A l’arrière scène de la vieille Europe apparaît l’autre acteur de cette tragi-comédie, celui qui en dispense la légende facorysée via arts et media, Andy Warhol.
Pouir en comploéter l’action sur le vieux continent la Fondation Marzotta ouvre un dialogue en œuvres et documents vidéo entre le maitre du pop art et Joseph Beuys dans leur relation amicale et créative à Lucio Amelio. Quand le premier consulte la Une reprenant l’une de ses actions appelant à la vitesse d’une réaction, Beuys dirige vers nous une lampe interrogative. Là où les nombreuses photographies dont celles de Mimo Jodice témoignent d’un artiste américain célébré en Europe dans de nombreuses occasions officielles institutionnionnelle s et amicales, Beuys poursuit avec une énergie toujours réactivée, version positive de celle de Jana Sterback un projet global qui pourrait s’inscrire dans la prolongation du champs de pratiques initié par Pasolini ; et Chen Zhen, entre engagement et art médecin.
Du côté américain siègent comme en écho aux victimes absentes et aux figures célèbres de la scène internationale les corps aussi érotisés qu’historicisés par les prints noir et blanc de Robert Mapplethorpe.
Il n’empêche qu’à l’issue des deux visites successives ne subsiste aux côtés de l’œuvre et la pensée de Pasolini que la figure de Beuys, qui n’est pas devenue cliché de mode. Lui seul sait se mettre ainsi en danger, y compris dans une image de fragilité qui ne craint pas le ridicule, il écoute et interprète les signes de crise, ici au propre , « Un trembelemnt de terre » décliné en un corpus aujourd’hui toujours aussi prégnant.
A l’aide de menus objets, de dessins iomprobables, d’installations expiatoires ou d’images sérigraphiées il se fait le sismographe inquiet de cette décade douloureuse des années 70, des corps glorieux,victimes et identitaires qui le traversent et nous en montré les trajectoires comme modèles.
27 novembre 2007