Au moment où un homme de télévision a été préféré à un homme de terrain aux municipales, où Christophe Wiesner, transfuge de Paris Photo, vient d’être nommé à la direction des Rencontres d’Arles 2021, la ville désertée par l’édition 2020 annulée du fait de la pandémie réagit par toutes sortes d’initiatives que recense Arles contemporain. La qualité de ces propositions comme leur diversité mérite de traiter cette situation inédite en plusieurs articles. Après les quatre plasticiens et les deux artistes de Voies Off, et en attendant les réponses à la pandémie, Arles prolonge son rôle de découverte d’acteurs historiques inédits ou mal connus.
Anne Clergue a été la première avec Nicolas Havette, directeur artistique de la fondation Manuel Rivera-Ortiz à vouloir fédérer les initiatives privées et celles d’institutions arlésiennes en les regroupant dans le programme Arles Contemporain. Tout l’été elle nous donne à découvrir les scènes argentiques noir et blanc de Jacques Léonard (1909-1994) réunies sous le programme Alegria .
Cette joie c’est celle de la communauté gitane de Barcelone des années 1950 dont il a été l’un des leurs, adopté comme le gadjo Chac, après avoir épousé Rosario Amaya, dont il s’est épris. Il a d’abord travaillé en tant que directeur de la photographie aux studios Gaumont à Paris et collaboré avec Abel Gance.En 1952, il établit sa résidence à Barcelone où il se consacre essentiellement à documenter la vie dans les baraquements de Montjuïc. Il y témoigne du quotidien dynamique des gens du voyage. Il apparait ainsi comme un créateur illustrant l’esthétique joyeuse des pratiques humanistes.
Roberto Donetta, (1865-1932) originaire du Tessin, pratique la photographie en autodidacte, alors qu’il gagne sa vie comme vendeur de graines. Son fonds comporte près de cinq mille plaques de verre conservées dans la Casa Rotonda, la maison où il a vécu et où il est décédé. Les suisses vont redécouvrir à partir des années 1990 cet ensemble qui témoigne des conditions de vie archaïque des habitants du Val Blenio. La fondation Van Gogh expose cet été plus de soixante-dix photographies qui recouvrent les thèmes principaux de son travail où les paysages et les émotions humaines sont intrinsèquement mêlés. Une monographie a été publié par Limmat Verlag, Zurich.
Beaucoup de ces images sont mises en scène qu’il fasse poser des familles en extérieur devant une installation d’objets domestiques ou qu’il ordonne par taille les ouvrières d’une usine. Les êtres humains constituent son sujet favori, il les représente à l’occasion de leur appartenance à des corps de métiers, des chantiers de construction, ou qu’ils participent à des rituels domestiques. Son humour se manifeste dans ses portraits vivants, des images dénuées d’héroïsme mais pleines d’humanité.
Nous célébrons cette année le centenaire de la naissance de Boris Vian décédé en 1959. Ce n’est qu’en 1963 avec la réédition par Jean Jacques Pauvert de son chef d’oeuvre l’Ecume des jours qu’il a connu une célébrité nationale . Les amateurs de jazz comme ceux de la chanson populaire le connaissaient déjà. En reprenant l’un des titres d’un de ses fameux airs anticonformiste On n’est pas là pour se faire engueuler la fondation Manuel Rivera-Ortiz le célèbre en s’appuyant sur ses textes poétiques. Pour ses multiples activités il a utilisé pas moins d’une trentaine de pseudonymes. A la Croisière ce sont ses collages dont beaucoup d’inédits qui sont exposés à l’enseigne de Bison Ravi.
Ses collages font penser à ceux d’un autre grand poète de cette époque Jaques Prévert, mais avec un esprit peut être plus subversif encore , à l’instar celui censé illustrer son polar Les morts ont tous la même peau, publié sous le pseudo de Vernon Sullivan comme le fameux J’irai cracher sur vos tombes . Son humour dévastateur se mettait aussi au service de son antimilitarisme viscéral qui nous a légué son hymne immortel Le déserteur. Ce centenaire est l’occasion de revisiter une oeuvre protéiforme qui garde encore aujourd’hui toute sa puissance provocatrice.